Accroche-toi au pinceau, j’échelonne les saisies

Publié par lalettrealulu le

Syndicalisation.

La peinture ne protège ni des ennuis ni des syndics. C’est ce que retiendra Jean Fourrier de ses vingt ans de pataquès en cascade. Installé comme artisan-peintre en 1967, il achète peu après, à Saint-Aubin-des-Châteaux, un bistrot que tient sa femme Éliane. Café revendu en 1979. Mais le notaire qui fait la vente du café merdouille sérieux en oubliant de rayer Jean Fourrier du registre du commerce. Toute sa ruine vient de là. Il voit le compteur des charges continuer à tourner, et doit notamment régler le fisc jusqu’à sa retraite en 1992. Ce rab indu mène la compta de l’artisan dans le rouge jusqu’au bout du rouleau de peinture. La loi de l’époque ne peut s’appliquer aux artisans : Jean Fourrier n’est mis en liquidation en 1984 que parce qu’il est – sur le papier – toujours commerçant. Arrive Me Patrick Roux désigné syndic, qui oublie de se renseigner pour découvrir l’oubli de radiation du registre du commerce. Ce qui aggrave la situation de l’ex-bistrotier, qui est toujours peintre grâce à l’autorisation du syndic. La prolongation aurait dû se limiter à quelques mois pour clore les chantiers en cours. « Si vous n’étiez pas capable de tenir une entreprise, fallait rester ouvrier », lâche un jour ce sympathique Me Roux, aujourd’hui rangé des voitures. Son associé et successeur, Me Philippe Dealere, donne sa position : « À défaut de trouver un emploi salarié, M. Fourrier, âgé de 53 ans en 1984 n’avait pas d’autre choix que de poursuivre une activité artisanale ; aucune autorisation ou interdiction ne lui étant soit nécessaire, soit opposable. » Quant à la radiation du registre du commerce, « les époux Fourrier pouvaient y procéder eux-mêmes ». Ce qui parait très improbable, la liquidation leur interdisant toute initiative. Les huissiers harcèlent l’artisan pour lui faire payer les dettes postérieures à la liquidation, chaque visite bardée de sommations d’usage et de menaces ponctionnant les maigres revenus des Fourrier. On saisira jusqu’à la rente-accident, les allocations familiales, et même les bourses scolaires des enfants. « Ça peut paraître choquant aujourd’hui, mais en 1984, la loi s’appliquant était draconnienne pour les dirigeants, et ces poursuites étaient possibles », commente Me Delaere.

Les biens du couple, deux maisons, trois terrains, sont vendus, après que le syndic ait confisqué les clés après le départ des locataires, soit un manque à gagner avant la vente de 140 000 F de loyers. « En fait, on a été proprement liquidés, matériellement et physiquement », soupirent les époux Fourrier, qui ne peuvent plus voir les syndics, les notaires et les huissiers en peinture.