Jean-Marc dit strict
Agglomaire
Jean-Marc Ayrault est un grand démocrate. Preuve en est la délicatesse avec laquelle il a tenté un coup de force cet été auprès de ses collègues maires de l’agglomération nantaise.
Ça part d’un bon sentiment. Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialo à l’Assemblée, se fait voter une loi quasiment sur mesure pour transformer le poussiéreux district en moderne « communauté urbaine » (C.U.), sorte de supermachin techno-administratif qui permet au passage de transformer la bonne vieille taxe professionnelle perçue par les communes en « taxe professionnelle unique » (T.P.U.), touchée par la C.U. Un joli pactole auquel s’ajoute le transfert de nombre de compétences ordinairement dévolues aux municipalités.
Seconde étape, Ayrault Jean-Marc, président du district, convoque pour la rentrée les secrétaires généraux des mairies de l’agglo, en passant par dessus la tête des édiles concernés, au motif qu’il y a urgence, la loi prévoyant le passage à la TPU pour le 1er janvier 2000.
Tête desdits édiles qui n’apprécient que très modérément le diktat du député maire de Nantes et qui flippent à l’idée de se voir reléguer au rang de simples officiers d’état-civil tout juste bons à marier leurs administrés. À droite, Serge Poignant, le maire de Basse-Goulaine qui est aussi député, connaît la nouvelle loi et cafte aussi sec à ses collègues : « Le président (J.-M. Ayrault) fait état d’une date automatique au 1er janvier 2000 mais omet de préciser la suite du texte », à savoir qu’il est « difficile de tout mettre en place » aussi vite. De fait, la loi offre aux communes un délai de deux ans pour se mettre au point. Il n’y a donc pas de raison de se précipiter, détail que Jean-Marc s’était bien gardé de révéler à ses collègues.
Pris en flagrant délit, Ayrault s’empêtre dans de vagues explications : « Il s’agit bien d’échanges techniques permettant à chaque commune de mieux maîtriser son propre débat et qui ne gageront en rien le débat politique » entre élus. Ça va toujours mieux en le disant, surtout après coup.
L’avis des élus de droite n’ayant qu’une importance relative, tout aurait pu aller pour le mieux dans le meilleur des districts possibles si les élus de gauche n’avaient rejoint, à leur tour, les rangs de la contestation. Comble de l’horreur, par voie de presse.
Françoise Verchère, maire PS de Bouguenais, trouve le coup « trop rapide, peu démocratique et très centralisé » et se demande s’il faut « aller vers une technostructure (…) un peu féodale ? » Jacques Floch, député PS-ex-maire de Rezé, « n’hésite pas à qualifier la communauté urbaine de brutale » et réclame par courrier « l’adoption d’une charte d’organisation générale du fonctionnement de l’agglomération », d’un « contrat de redistribution financière afin (…) de fixer une réelle compensation de solidarité » entre les communes et surtout « l’organisation d’une gestion démocratique de l’agglomération : en effet, la loi n’autorise pas, cela est dommage, l’élection au suffrage universel du conseil d’agglomération. » De là à dire que Jean-Marc est un despote mal éclairé, il n’y a qu’un pas que ses petits camarades de parti n’hésitent plus à franchir, ralliés par quelques poids lourds du PS, le sénateur Autain, les maires de Saint-Herblain et de Rezé, Gautier et Retière…
L’affront fait au maire de Nantes, qui devra mettre plus d’urbanité sur son projet de communauté, ne pèserait pas lourd au plan local si elle ne lui mettait carrément la honte à Paris, où Jean-Marc entendait se faire mousser auprès de Lionel en faisant vite fait de l’agglo nantaise new look un modèle pour la France. Las, les féodalités ne sont plus ce qu’elles étaient.
* L’Éclair, 16 et 17 septembre 1999