La culture à la nantaise se fait chambrer

Publié par lalettrealulu le

Compteurs bleus

Modèle universel reconnu au-delà des frontières de l’international mondial, l’exception culturelle nantaise, que la planète nous envie est tombée sur de tatillons magistrats à calculettes de la chambre des comptes.

À l’opéra, au musée des Beaux-Arts, l’inspection des magistrats financiers farfouille tarifs et bilans. Jusqu’à considérer la piscine et le stade de foot comme des lieux culturels. Jusqu’où tout cela s’arrêtera-t-il ?

Toiles de sol

Les réserves du musée des Beaux-Arts sont trop petites pour le stock d’œuvres, « richesse et contrainte » selon la chambre des comptes. Question feu, flotte et vol, tout est garanti, mais on manque de place. « De nombreuses peintures sont remisées à même le sol, gerbées les unes sur les autres. » Ce qui révèle tout un courant méconnu des historiens d’art : la peinture gerbée.

Trop de cadres au musée

Supprimée depuis 1999, la gratuité du dimanche au musée des Beaux-Arts n’avait ni élargi, ni démocratisé le public. Employés et ouvriers restent minoritaires, seulement 7% du public. « Contrairement aux apparences, le public du dimanche n’est pas réellement populaire. » Il est vraiment temps de supprimer les dimanches, une fois par semaine au moins.

Moyenne opéra-tionnelle

Le coût réel d’une place à l’opéra est de 2084 F. Mais le mélomane achetant un billet ne paye que 160 F en moyenne, soit 7,6% seulement du prix de revient, a calculé la chambre des comptes. Finalement, c’est simple : moins on va plus souvent à l’opéra, plus ça coûte moins cher. Enfin personnellement, parce que collectivement, c’est l’inverse.

Retour d’ascenseur

Un contrat particulier a été analysé au pied de la note par la Chambre des comptes, celui de Françoise Terrone, « recrutée à plein temps comme pianiste-répétiteur chef de chant » en septembre 1990. Quatre ans plus tard, elle cumule « d’autres activités artistiques rémunérées au sein de l’opéra, en tant que costumière, assistante metteur en scène, et metteur en scène ». Un peu plus elle finissait ministre de la Culture de Loire-Inférieure. Depuis ce destin hors du commun, la dame qui se trouvait être la compagne du directeur artistique et metteur en scène Philippe Godefroid, a réussi à faire l’unanimité du personnel contre elle, son caractère impossible lui valant une disparition diplomatique des plateaux aussi rapide que son ascension. Un genre de promotion de censure.

Les critiques au cachet

Pour obtenir à coup sûr des comptes-rendus journalistiques des créations, l’opéra de Nantes paye le déplacement, soit 400 à 1 200 F par journaleux invité. Un procédé usuel dans la culture, à la limite de la corruption, et dont profitent lâchement les journaux qui économisent autant de notes de frais. À Graslin, le remboursement de ces voyages de journalistes « se faisait par l’intermédiaire d’une régie d’avance dont l’objet ne prévoyait pas une telle prise en charge. C’est pourquoi, jusqu’en 1998, il était demandé aux journalistes de signer des contrats d’engagement d’artiste, ce qui permettait de verser les sommes en respectant en apparence l’objet de la régie ». Des journalistes cachetonnant comme artistes, passe encore. Mais pourvu qu’il ne se mettent pas à chanter.

Les tarifs au rendement

Les magistrats de la chambre des comptes sont parfois enfermés dans une logique de rentabilité. Ainsi, sur les expos temporaires du musée des Beaux-Arts, (où Kandinsky et Chaissac ont fait les plus beaux scores) : « Il n’est pas possible de définir un coût net par exposition qui pourrait servir par exemple, pour déterminer une tarification du coût de l’accès à la manifestation. » Les recettes de billetterie balançant le coût de collecte des tableaux, d’accrochage, catalogue, communication et petits fours, il faudrait donc savoir à l’avance combien une expo va drainer de public pour fixer le prix du ticket d’entrée. Avec une logique de billetterie multiple, tarifant faiblement les expos les plus suivies, et appliquant un tarif fort aux expos les moins courues. Gaston Chaissac n’aurait jamais imaginé provoquer un tel calcul de retour sur investissement.

C’est bain vrai, ça !

Avis aux Nantais radins : plongez dans la piscine Jules-Verne le plus souvent possible. Car même si vous n’y mettez jamais les orteils, vous payez quand même, via le budget général de la Ville, les deux tiers du coût moyen d’un usager, évalué à 35,60 F par la chambre des comptes, car « l’usager ne paie en moyenne que le tiers du coût de l’accès à l’équipement ». Par souci d’économie, on pourrait demander aux baigneurs d’amener leur eau chaude.

Les pistonnés de la pisciculture

La chambre des comptes trouve anormal que les cinq milliers d’employés municipaux nantais, conjoints et gniards, entrent gratis aux musées et à la piscine Jules-Verne. On pourrait leur laisser cet avantage et ne leur faire payer que la sortie.

Bain de foule

Il ne faut pas croire les estimations. Pour décider en 1992 de construire la piscine Jules-Verne, les élus nantais ont voté une enveloppe de 40 MF, alors que les dépenses réelles ont été de 48,8 MF, soit 22,1 % de plus que prévu. Autre sous-estimation : le coût d’entretien et de fonctionnement, prévu à 7 MF par an, est en fait passé à 10 MF par an. Mais pour une bonne raison : la progression des entrées à 300 000 baigneurs, soit le double de la prévision. On ne peut pas nager tout le temps dans le négatif.

Les lignes de la maintenance

Estimé à 2,9 MF par an en 1997, le coût de fonctionnement du stade de la Beaujoire après la coupe du monde (nettoyage du stade et des abords, espaces verts, gardiennage, et gros entretien) « pourrait atteindre à l’avenir 4,7 MF annuels, selon les estimations des services municipaux », note la chambre des comptes. Un montant à la charge complète de la Ville, aucune participation du FCNA n’étant prévue dans la convention avec les Canaris. Pourtant, il y a bien un gardien, entretenu par le club, qui ne travaille que 90 minutes de temps à autre…