La résistible ascension du patron faussaire
Scorpionnicat
À peine condamné pour un malheureux faux servant à licencier un salaud de salarié, Christian Maltaverne, qui ne sait plus quoi inventer pour qu’on parle de lui, fait un comeback devant le juge, pour dénonciation calomnieuse.
Voler en avion privé avec deux chauffeurs salariés, rouler en modeste Ferrari Testarossa, en Porsche et en Mercedes haut de gamme, n’ont pas suffi à éviter un début de panade générale. Ce patron de 44 ans qui s’affiche à la Beaujoire a été condamné fin juin en correctionnelle pour avoir concocté avec son épouse un faux document calomnieux, monté de toutes pièces pour charger un commercial en l’accusant de malversations. Produit devant les prud’hommes pour justifier du licenciement du commercial, ce faux courrier usurpe la signature d’un cadre, lui aussi licencié. Pendant quatre ans, cet ex-chef d’agence sera accusé d’être le faussaire par Maltaverne. Au cours de l’enquête, Christian Maltaverne a failli sauver sa mise, un autre de ses salariés passant des aveux devant gendarmes, pour porter le chapeau du document falsifié. Mais ce qui a gagné du temps a perdu Maltaverne, finalement confondu. Pour ces talents de faussaire, le couple a écopé de prison avec sursis : cinq mois pour monsieur, deux pour madame. Sans oser faire appel.
L’instruction oubliera au passage l’enregistrement sur cassette d’un gendarme qui proposa au téléphone 150 000 F contre le retrait de la plainte de l’ex-chef d’agence alors au chômage. Le pandore, radié depuis, lui proposera aussi un job de vendeur de fruits secs. « Cette cassette a une valeur juridique zéro. Et je n’ai pas eu de contact avec ce gendarme depuis », commente Maltaverne interrogé par Lulu.
Scorpion ascendant dents longues, Maltaverne laisse volontiers de mauvais souvenirs à ceux qui croisent sa route. Mais depuis qu’il s’est payé un brevet de pilote, il ne croise plus les routes, il les survole.
Un jour, il découvre à l’aéroport un avion accidenté, un Duke qu’il veut racheter après réparation. Il le lui faut dans sa panopie de standing ostentatoire. Contrat signé avec Nantes-Aéro, la société de réparation montée par un professionnel coté, ancien d’Aérospatiale. Mais Maltaverne n’honore pas les échéances du contrat. Puis refuse l’avion en contestant la qualité de la réparation. Deux fois condamné à payer les acomptes, le scorpion ascendant anguille s’en tire en ayant soigneusement organisé son insolvabilité : ses voitures, son avion Cessna sont en crédit bail, et ne lui appartiennent donc pas. Le mauvais payeur claironne que Nantes-Aéro ne sait pas réparer avant de porter plainte pour « mise en danger d’autrui ». Ce qui est un peu gonflé alors qu’il n’a jamais volé avec l’avion incriminé. La plainte explose en vol, le juge délivrant un non-lieu au patron de Nantes-Aéro et un rapport d’experts aéronautiques rendant hommage à la qualité du travail fait sur l’avion.
Mis en examen pour dénonciation calomnieuse, Christian Mataverne doit passer en correctionnelle le 13 décembre. « No comment », dit celui dont l’empire bat de l’aile : l’enquête financière qui s’intéresse à ses sociétés pourrait bien tomber sur des manipulations douteuses, comme ce financement de 4,3 MF obtenu en six mois en 1997, avec le même matériel, un chariot élévateur Hyster de 12 tonnes, inscrit trois fois sur les accords bancaires. En spécialiste du vol, Christian Maltaverne trouve ces détails très terre à terre.
Louis Blaireau