Ayrault fâché avec tout Le Monde

Publié par lalettrealulu le

Servi chambré

On ne peut se fier à personne. Pas même aux grand journaux à qui on paye à bouffer. Jean-Marc Ayrault en fait l’amère expérience. Passez le sucre.

Il ne suffit pas de convier les dirigeants de presse à sa table pour éviter les ennuis médiatiques. L’opération du quotidien Le Monde, éditant le 20 octobre un encart spécial consacré à Nantes aura permis à Jean-Marc Ayrault d’organiser en mairie un déjeuner où les pontes du journal ont pu passer les plats avec un aréopage d’invités d’Ayrault triés sur le volet. Relations publiques au menu. Notre bon maire s’imaginait prémuni contre de méchantes citations dans les colonnes du journal convive, donc ami. Pourtant, le tiré à part du Monde avait fauté en rappelant les ennuis judiciaires passés de Jean-Marc. Une semaine après ces amabilités entre poire et fromage, Jean-Marc a l’impression de se manger un râteau en pleine poire : un article sur la grève des chambres régionales des comptes* le cite avec Villiers et Guichard, mais surtout aux côtés des citoyens Carignon, Tibéri Xavière et Dugoin Xavier, ayant eu des ennuis après un rapport de chambre des comptes.

Face à un « grand élu » comme Ayrault, Guichard et de Villiers, un conseiller de chambre des comptes se sent bien seul, explique au Monde un magistrat nantais. N’écoutant que son ire, sieur Ayrault fait téléphoner au quotidien, au chef de service de l’auteur de l’article pour protester contre ce mauvais traitement. Remarquons au passage l’élégance du procédé suscitant la hiérarchie avant de s’expliquer avec le journaliste.

Puis l’attachée de presse du groupe PS de l’Assemblée bigophone furieuse à l’auteur de l’article, soulignant texto que « tous les députés du groupe ont présenté leurs condoléances » à Ayrault. On ne pouffe pas. Le condoléancé Jean-Marc prend le téléphone pour envoyer l’argument massue : il n’a jamais été confronté à ce magistrat, lors des contrôles à la Ville de Nantes. Ce qui est exact, mais ne change rien au déséquilibre entre le poids du grand élu et la solitude du contrôleur. Le magistrat, alors vice-président de l’association nationale des magistrats des comptes, s’exprimait pour sa fonction, pas pour son exemple perso.


L’affaire de la Mnef prenant alors de l’ampleur, le néo-jospiniste Ayrault a sans doute eu peur de se faire mal voir de Jospin. Ulcéré, Jean-Marc lâche : « Vous les journalistes, vous avez toujours raison, on ne peut rien vous dire ». Il se dit quand même outré d’être dans le même sac que Carignon, Villiers et Guichard, rappelant que le baron Guichard est, lui, mis en examen. Nuance de taille, venant d’un ancien condamné à 6 mois avec sursis et 30 000 F d’amende pour favoristisme envers l’homme d’affaires Daniel Nedzela. Mais c’était il y a longtemps, en décembre 1997. Bientôt ce sera d’un autre siècle. Il faut laisser autant de temps au temps que le temps en réclame. Surtout pour oublier vite fait.

* Le Monde, jeudi 28 octobre 99.

Catégories : N°26 – décembre 1999