Heurts sup’ à la fac
Fric-fac
Coupes franches dans le fromage des heures sup’ des profs de fac. Le recalage horaire bouscule les tenants de privilèges, mais pour les créations d’emploi, faudra un effort. Supplémentaire.
Avant la dernière rentrée en fac et son brouhaha de plannings, le président de l’université, Yann Tanguy a brisé un tabou en limitant les heures sup’ des profs, dont l’excès « réduit la disponibilité de l’enseignant (…) et peut porter atteinte à la qualité des enseignements comme de l’activité scientifique ». Légalement, personne n’a le droit de doubler son revenu en heures sup. Quelques redressements fiscaux viennent d’ailleurs de sanctionner certaines culbutes de salaires sur le campus nantais. Sans doubler leur paye, certains profs et maîtres de conférence triplent allègrement leur 192 heures de service normal, voyant là une manière de réévaluer leur paye vis à vis des barème du privé. On en a même vu un multiplier par sept son emploi du temps statutaire ! Pour justifier des demandes de création de postes, le président de l’université plafonne à 192 le nombre d’heures sup’ par an, avec l’objectif de réduire bientôt ce rab à 96 heures, soit un demi service.
Cette chasse aux cumulards est une fausse bonne idée, analysent certains profs : le sous-encadrement contraint à faire des heures sup’, et le fait de ne pas pouvoir embaucher de chômeurs montre les limites du rationnement de ces heures. Impossible d’embaucher des étudiants nouvellement diplômés sans ressources. L’université, pour ne pas payer de charges sociales, n’accepte que des vacataires dont les cotisations sont assurées par ailleurs. Bien sûr, le recours à ce genre d’intérimaires de l’enseignement répond à l’idée de faire entrer dans les amphis des gens en prise sur la réalité économique. Mais du coup, l’université sous-traite des miettes d’enseignement à des salariés du privé qui cachetonnent quelques cours par-ci par-là, rendant plus complexe la cohérence des enseignements à l’année. Comme ces intervenants extérieurs ne sont payés au mieux qu’au bout de trois ou quatre mois, on ne se bouscule pas au portillon.
« La vertu brutale est inapplicable. Je refuse de culpabiliser les collègues et de dédouaner le ministre responsable de l’existence même de ces heures complémentaires », confie Hervé Lelourec du Snesup qui a voté contre la limitation, tout en prônant un refus collectif des heures sup’ pour créer un blocage radical. « Certains profs vendent des heures de formation sur le marché incontrôlé, à l’extérieur de l’université », souligne le président Yann Tanguy à Lulu, en rappelant aussi que le budget heures sup’ mobilise 22 MF par an * et que maîtriser les dérives est plus que légitime.
« Les réticences contre le coup de frein maquillent la défense de véritables rentes de situation et des petits pouvoirs de profs qui peuvent avoir sous leur coupe des chargés de cours à qui ils font gagner un peu de sous », grognent certains.
Tout en avouant les aberrations du système : si l’on peut embaucher comme chargé de cours des étudiants de 3e cycle de moins de 28 ans (limite d’âge pour la couverture sécu étudiante), il faut s’en débarrasser après leur 28e anniversaire, l’administration ne tenant toujours pas à cotiser comme pour un salarié normal.
* Sur un budget de 700 MF, salaires compris.
L’université porte à faux
Factuel
Le système des vacations encourage les faux et usages de faux depuis des années. Certains thésards produisent jusqu’à présent des faux certifs d’employeurs qui, secret de polichinelle, étaient tolérés par l’administration qui a, depuis la grève des chargés de cours en 1996, mis le holà à ce trafic de faussaires. Les faux persistent : certains profs titulaires délèguent clandestinement une partie de leur quota d’heures à des vacataires dénués du statut idoine, qu’ils payent au noir pour les cours effectués.