Les jeunes de l’Agen gênent

Publié par lalettrealulu le

Facrose

Vieille institution siégeant aux conseils de facs, moins syndicat qu’amicale bcbg, l’Agen voudrait s’obstiner à exister sans être de gauche. Les gens en place ont remis ces prétentieux à leur place. A la droite du néant.

Les membres de l’Agen, antique fédération locale d’associations étudiantes doivent avoir une maladie honteuse. Ils se sont fait proprement évincer de la vice-présidence étudiante à l’Université, qu’ils occupaient précédemment. Une place qui aurait dû leur revenir, leur liste ayant récolté à elle seule la majorité lors des dernières élections en fac : le 19 décembre, l’Agen a raflé 17 des 34 sièges étudiants, le reste se partageant entre Unef (communiste), Unef ID (socialiste) et Uni (droite). Même si l’Agen, rebaptisée « Étudiants associatifs indépendants », a chopé sa majorité sur une minorité, seul un étudiant sur dix ayant participé au vote. La logique de représentativité bête et méchante a pourtant été recalée, puisque le président de l’Université Yann Tanguy, éminent professeur de droit public, a écarté Hicham Bennis, candidat de l’Agen au siège de vice-président étudiant, lui préférant un certain Manuel Cannevet, porte-bannière de l’Unef et soutenu par l’Unef ID. « Ce n’est pas un calcul arithmétique, mais une décision du président qui choisit celui qui est le plus à même de soutenir son programme », explique un juriste à la Présidence de l’Université. Ce qui est rassurant, la démocratie a encore ici quelque marge de progression. Rien de plus ennuyeux que les situations irréprochables.

L’entourloupe permet d’écarter une formation qui risquait de ternir l’image de l’université nantaise. L’Agen, l’Assemblée générale des étudiants de Nantes, est un genre de rassemblement réac mais pas trop. Une clique créée en 1889, qui gèrera dans les années 50 la cité étudiante de la rue Santeuil, jusqu’à ce que le Crous n’en récupère la gestion. L’Agen disparaît après mai 68, ressuscite en 1986 en fédérant des corpos des facs les plus bcbg, médecine, pharma, dentaire, droit.

Apolitique multicarte

Officiellement, on affiche à l’Agen un apolitisme bon teint. Au point qu’il y a neuf ans, le président de la corpo de kiné avait, par dérison, pris des cartes partout, devenant multimembre simultané du RPR, PS, UDF, FN et PC. Le dernier président de l’Agen, Fabian Conan a un peu dérogé à la règle d’apolitisme, puisqu’il n’est candidat aux municipales que sur une seule liste à la fois, celle d’Harousseau.

C’est vrai, ces activistes du tonus, carabins de bonne famille, un peu fils à papa, plutôt fêtards, soiffards, bizuteurs, et parfois tout à la fois, sont un peu désuets. On y compte nombre de défenseurs de la « faluche », ce béret plein de breloques des vieilles traditions. Ils sont aussi fermement opposés à toute politisation, surtout de gauche. Mais jusque là, pas de quoi mériter l’extermination.

Gros comme une maison

L’Agen, qui a perçu jusqu’à 50 000 F de subvention municipale du temps où elle gérait les salles publiques pour les tonus, ne touchait plus que 5000F l’an dernier. « Arrêtez de vous présenter aux élections, comme à Angers ou à Brest, et vous aurez toutes les subventions que vous voudrez », glisse-t-on aux Nantais de l’Agen. Leur utilité est pourtant manifeste et reconnue par tous, quand ils montent l’opération qui sert dix mille petits déjeuners aux nouveaux arrivés sur le campus en 1998 et 1999. Et ce avec le partenariat de la société de transport publics Tan. Réducs au cinéma, photocopies à bon marché, voilà le fonds de commerce de l’Agen, qui gêne l’envie d’hégémonie socialiste sur le campus. En 1991, une Maison des étudiants, tenue par l’Unef-ID habituellement socialiste mais à cette époque contrôlée par le crypto-troskyste Parti des Travailleurs, est criblée de dettes. Un gros trou. Le PS, bon prince, éponge le passif et verrouille pour son compte la Maison des Étudiants ressuscitée. Aujourd’hui, le directeur Xavier Pézeron et le président Philippe Quéré sont gentils membres au Mouvement des jeunes socialistes. Pur hasard…

La structure reçoit 50 000 F de subvention de la Ville, et propose en fait les mêmes services que l’Agen, cinoche à 27 balles, photocopies sous-traitées à deux sociétés amies, et ordinateurs à disposition des adhérents. « Notre structure de bénévoles ne pouvait pas lutter », dit Fabian Conan.

Les derniers dirigeants de l’Agen ont nourri une parano en pensant que le PS leur en voulait. La dernière fois qu’ils ont loué la Trocardière à Rezé pour la « Nuit du Bac », la mairie PS de Rezé leur annonce la veille que, pour la buvette, ce sera flotte et jus de fruits, pas plus, privant in extremis la soirée de l’essentiel de sa finance. Au premier découvert, le banquier signale insidieusement qu’il est membre du PS, procédure bancaire inhabituelle pour un simple compte courant associatif. Mais tout ceci ne doit être qu’un malentendu, le socialisme triomphant ne pouvant, par essence, s’abaisser à de telles mesquineries.