Les sous-soutiers de l’info

Publié par lalettrealulu le

Impayables petites mains

Les petites mains des quotidiens locaux ne veulent plus se faire marcher dessus. Alors que ça marche si bien.

Émus d’apprendre que les bénéfices d’Ouest-France ne cessent de s’élever vers les hauteurs célestes 1, les correspondants du plusgranquotidiendefrance voient aujourd’hui le trésor public leur ponctionner 10 % de leurs gains annuels pour cause de CSG. Précarisés à l’extrême2, ces correspondants sont payés (3) en honoraires, n’entrent pas dans les chiffres du personnel et ne sauraient revendiquer quoi que ce soit sous peine de mise au piquet. Exit bulletin de salaire, droits divers, heures sup, arrêt de travail, formation professionnelle et autres congés payés. Ce statut à faire baver de convoitise n’importe quel candidat à la délocalisation tiers-mondiste est pourtant légal. Depuis 1993, l’État, dans sa grande mansuétude, accorde aux patrons de presse l’exorbitant privilège de faire travailler tous ce cheptel sans débourser un kopeck de cotisation patronale. Moyennant quoi, l’État se remboursera sur la bête en faisant cracher ces petites mains du journalisme au bassinet.

Les correspondants mis au charbon par les quotidiens régionaux sont pourtant légion. Pour ne pas flatter leur ego, leurs articles émaillant les pages locales ou départementales sont dépourvus de signature. Un inventaire rapide des papiers non signés donne une idée du volume de texte pondu par ces anonymes (Presse-Océan tolère leur signature mais leur sort est par ailleurs similaire). Certains correspondants, pourtant titulaires de la carte de presse, sont contraints de faire le gros dos pour ne pas être éjectés de leur journal et faire une croix sur l’amélioration de leurs conditions de travail.

De plus, alors que les journalistes d’Ouest-France bénéficient de substantielles gratifications pour les droits de reproduction de leurs articles sur Internet, les correspondants qui voient leurs textes utilisés sur le site sans vergogne ni compensation financière, ont dû déborder de reconnaissance pour la revalorisation du point de rémunération de trois centimes en cinq ans.

Dans ce panorama sans tache, la révolte commence à gronder sournoisement. Ma Ville, le supplément de quartiers imaginé par Ouest-France, a subi peu après sa création une montée au créneau de l’équipe rezéenne de correspondants, prête à démissionner pour cause de foutage de gueule un peu trop voyant. Parallèlement, Presse-Papier4, une association de défense des CLP courroucés, vient de naître à Nantes. Histoire de faire valoir un peu cette hilarante maxime, « Justice et Liberté ».

1. O.-F. du 11 – 12 novembre 2000. En 1999, la diffusion d’Ouest-France a encore connu une forte croissance, atteignant 784.697 exemplaires en moyenne par jour. Soit une croissance de 2481 exemplaires par jour. Encore bravo !

2. Le correspondant local de presse (CLP) exerce son activité en qualité de travailleur indépendant conformément à la loi 93 – 121 du 27/1/93

3. payés au point, ils touchent de 60,50 F ou 157,30 F maximum selon la taille de leur papier. Tout en sachant que la rédaction d’un article nécessite un peu de préparation, d’enquête, des frais et du temps de déplacement, du temps pour l’écrire.

4 Association Presse-Papier BP 142, 44403 Rezé Cedex
presse-papier@respublica.fr