Boënnec plus ultra
Pornic ta mer !
La côte de Jade peut s’enorgueillir d’une espèce rare, le Boënnec, qui vit de sable et de particules, et lutte contre le jeunisme avec un certain succès.
Le docteur se fait une ravite aiguë
À Pornic, le bon maire tance les jeunes qui font du bruit. Ces insolents feraient mieux de se déguiser en minute de silence.
Monsieur le maire, Philippe Boënnec plus ultra, 50 ans, médecin, dont nous tairons le nom par respect pour la personne humaine, n’a pas l’air de se faire des amis chez les jeunes. En tous cas les jeunes de moins de cinquante ans. Cet été, le maire a réussi à se mettre à dos plusieurs tribus d’insupportables jeunes, écolos, teufeurs technos, surfeurs, mordus du reggae…
L’association Cynaps, des jeunes de Pornic branchés sports de glisse et musique, qui ont accessoirement brassé le fioul comme bénévoles de marée noire, prévoit d’organiser en août un festival “SOS Océan”. La moitié des recettes doit être reversée à Surf Rider Foundation, une asso basque qui décerne notamment les pavillons noirs des plages les moins bien tenues. À la mairie de Pornic, personne ne connaît ces surfers écolos, ce qui n’empêche pas les propos nuancés : “On veut pas d’écologistes, ici”, “Pas question de reparler de l’Erika. C’est un boulet pour la commune…” ou même “Surtout pas inviter Greenpeace, c’est comme faire venir le FN !” (sic). Arguant qu’un tel festival “ferait fuir les touristes”, une date tardive est admise par la mairie, le 25 août. Question financement, les jeunes Pornicais ne demandent rien, juste un podium et un terrain. Le stade de foot, voué à la destruction, est accordé. La Croix-Rouge, la sécurité et 120 bénévoles sont mobilisés pour ce festival plutôt reggae, prévoyant 6 000 entrées. Plus la date se rapproche, plus les élus de Pornic renâclent, lâchent que “le reggae draine une population à risques”, que les employés municipaux sont débordés. Et puis, moins d’un mois avant le festival, la mairie revient sur ses engagements : un courrier laconique refuse la tenue du festival. Circulez, y’a rien à entendre.
Plainte contre platines
Les amateurs de techno n’ont pas alerté des semaines à l’avance. Mais tout est en règle, le terrain est privé, les gendarmes, prévenus deux jours avant déclarent “c’est une bonne démarche, qui nous a permis de préparer un dispositif d’encadrement”. 50 gendarmes, 4 policiers municipaux, 11 douaniers sont sur place et ne relèvent aucun incident. La soirée fait son boum boum techno sur les terres à Boënnec la nuit du 14 août. Le capitaine des pandores dresse dans la presse un bilan “plutôt positif” de la soirée. “Une rave party sans problème avec un bilan positif, ça n’existe pas !” bondit Boënnec qui porte plainte pour “émission de bruits gênants, pénétration sur une parcelle privée, dépôt sur ce terrain d’ordures et objets divers, défaut d’autorisation d’ouverture de bar”, tout en disant que le problème n’est pas là. Ce qui le fâche, c’est la question de santé publique “en créant des conditions de stupéfiants et autre substances illicites”. Pénétration sur un terrain privé ? Le paysan a prêté son champ et assisté à la soirée, ravi. Nuisances sonores ? aucune plainte de riverain pour tapage nocturne. La buvette est associative puisque chacun est devenu en entrant adhérent de l’association. La plainte n’a enthousiasmé ni gendarmes ni juges, qui n’ont pas bougé. Aucune audition des organisateurs (l’association nantaise Abacule parfaitement déclarée), aucune mise en examen. Cinq raveurs ont bien été interpellés pour détention de 70 sachets d’extasy et d’amphétamines et 60 g de cannabis, mais on ne met pas en taule les proviseurs au moindre deal dans la cour de récré. Mais pour éviter tous ces tracas, le bon docteur-maire de Pornic devrait d’urgence pratiquer l’euthanasie des jeunes quand il est encore temps, c’est à dire à la naissance.
Paris s’ensable-t-il ?
Le marchand de sable est passé. Il a pris 52 tonnes de sable de Pornic, en a empli deux semi-remorques, et s’en fut l’étendre une journée à Paris sur le parvis de la mairie. Histoire de bien montrer combien elles sont proprettes les plages bien lavées après l’Erika crabougna. On y a aussi construit un château de sable de 4 m de haut, mais en fait, il était surtout en carton, avec du sable collé dessus. Factice, mais joli quand même. C’était un événement pour clore les activités de l’association “Espoir de Jade” née autour de la société Brioches Buton pour offrir des petits dejs aux bénévoles raclant les plages pétrolées. “La mairie de Pornic nous a offert une partie de la logistique, et ça a permis à Philippe Boënnec de remettre des décorations (les “sabliers de Jade” inventés pour l’occasion), notamment à un responsable du Fipol”, dit Jacques Mary qui anime “Espoir de Jade”.
Pour sortir le sable, le maire de Pornic a “lourdement insisté” pour obtenir l’accord des services de l’État, pas très convaincus. Qu’est ce qui prouvera aux Parisiens que c’est vraiment du sable à la traçabilité certifiée ? Ce sable extrait du domaine public maritime, Boënnec ne l’a pas remis en place après avoir amusé Paname. Le sable n’est jamais revenu sur la plage du Porteau. On l’a dit échoué au jardin du Luxembourg. Cette rumeur est une grave attaque contre les jardiniers luxembourgeois. “Ç’aurait coûté trop cher de le ramener. Il a été aspiré, nettoyé, et remis aux maçons des quais de Seine”. La preuve de la collusion entre Total et le BTP parisien.
Particules élémentaires. La journée sans roture
Comment se particulariser en misant sur les particules : à Sainte-Marie-sur-Mer, une sous-seigneurerie de Pornic, un arrêté municipal a interdit le 1er septembre l’accès au vieux bourg aux pauvres minables roulant carrosse de roture, et qui n’étaient pas invités à la noce du jour.
De mémoire d’ancien, on n’a jamais vu ça pour aucun événement, mariage, enterrement ou autre. Quatre policiers municipaux ont vu leur contrat prolongé pour jouer les vigiles au pied des barrières des deux rues menant à la place du village. Faut dire qu’on s’y mariait huppé, ce samedi. Mademoiselle Manon d’Aubigny convolait à l’église avec Monsieur Antoine Aymer de La Chevallerie. Aucun n’habite Pornic, mais le raout de la noce était tenu dans une villa de Sainte-Marie. On ne froisse pas du si beau linge en le mêlant au vulgum pecus. C’est comme si le maire offrait une transfusion de sang bleu à son centre urbain. Et dire que des manants jaloux, empêchés de circuler sur la voie laïque et républicaine ont osé protester et arracher les arrêté municipaux. Ces anciens serfs sont d’une insolence ! Le plus grave s’énonce comme un dilemme : comment souhaiter tous nos voeux de bonheur aux nouveaux époux, obligés de convoler dans ce climat de fronde plébéienne ?