Jean-Marc Héraut de Sarko

Publié par lalettrealulu le

Girophare de la Loire

Cher Giro. Permettez, cher monsieur Ayrault, qu’ainsi on vous nomme, vous qui avez décroché la distinction si convoitée de « girophare d’or»* pour vos dernières prestations à Nantes et à Paris et votre contribution généreuse à l’idéologie sécuritaire. Vous fûtes récemment interpellé publiquement par M. Sarkozy, mais fort heureusement sans garde à vue ni reconduite à la frontière. Pas même à la frontière du réel.

Il s’agissait de sécurité, une notion qui fait l’unanimité à gauche et à droite, l’ancien ministre socialiste Daniel Vaillant ayant pu dire dans des tribunes de presse : « Sarkozy me copie » et « S’il le faut, j’aiderai Sarkozy ». Inutilement, M. Sarkozy a profité de ce terrain d’entente pour faire de la polémique politicienne, ce qui n’est pas chic du tout. Le 22 octobre à l’Assemblée, Sarkozy dénonce perfidement le double langage, pourtant une valeur iconoclaste en ces temps de pensée unique. Il vous lance, cher M. Ayrault : « À l’Assemblée nationale, vous faites des déclarations définitives sur la politique de sécurité du gouvernement, mais quand je suis à Nantes, vous vous félicitez à juste titre de l’action du GIR. »

Le lendemain, encore sonné, vous répondiez par écrit à M. Sarkozy : « Je ne retire rien aux félicitations que j’ai adressées devant vous à l’intervention du GIR à Nantes qui a été décidée dans les règles de droit par la justice et qui a permis le démantèlement d’un important réseau de vol à la roulotte»**, mais en prenant vos distances avec le projet de loi sur la sécurité quotidienne. Vous ajoutâtes : « Pour éviter toute confusion, nous avions convenu que cette rencontre conserverait un caractère privé et ne saurait en aucun cas servir à une exploitation politique. Vous avez cru bon rompre cet engagement en rapportant des éléments tronqués de notre conversation. Ce procédé est indigne d’un serviteur de la République. » Si on ne peut plus parler à matraques rompues, et si l’amabilité devient politique, où va-t-on ? Les propos de coulisse ne sont pas les vrais dialogues. La vraie pièce attend que le rideau s’ouvre…

Heureusement, Le Monde a pris votre défense***, dénonçant les « méthodes de démagogues » et la « rhétorique moisie » de Sarko, car à Nantes, bon démocrate, vous avez félicité votre ministre « pour son action républicaine », alors qu’à l’Assemblée, souligne le quotidien du soir, « Ayrault a revêtu les atours du député président du groupe d’opposition, et il s’oppose. C’est son rôle. Il ne reçoit plus chez lui ». Aucun sens du savoir-vivre, ce Sarkozy !

Bien sûr, certains ont compris que vos félicitations pour la rafle anti-Roumains étaient surtout un vibrant hommage à l’opération de communication des services du ministre de l’Intérieur, laissant au second plan la volonté de terroriser la Roumanie et l’effort louable de pacifier les boîtes à gants. En signifiant que le vol n’est pas toléré, l’autorité républicaine délivre un signal fort. Ce qui vaut bien que l’on vous félicite pour ces félicitations. Mais bon, ça reste entre nous.

* Décerné par Lulu pour la première fois de l’histoire des premières fois.
** Vol d’objets dans un véhicule en stationnement.
*** Le Monde, 27 octobre 2002.