Brimades des mœurs
Peine perdue
La taule, c’est bien beau, mais quand le jacuzzi de la cellule est en panne, le reste n’est pas franchement convivial. Les brimades font partie du quotidien.
Un détenu reçoit des paquets. On peut les lui confisquer sans l’avertir. Ainsi Georges Courtois a découvert des mois après que des livres qui lui étaient adressés par des amis nantais étaient consignés par l’administration pénitentiaire. L’amie d’un autre détenu s’est vue remettre à Nantes un paquet d’une vingtaine de ses lettres, qui n’ont jamais été remises depuis des mois : l’adresse, le numéro de cellule, tout y est, sauf le numéro d’écrou. Arbitraire total, d’autres lettres sans numéro d’écrou arrivent parfaitement. Plus qu’une simple tracasserie, cette mesure sert à désespérer le taulard qui se dit que sa femme l’a abandonné. L’effet est double sur cette femme qui ne peut comprendre pourquoi il ne répond jamais. Qui a intérêt à ça ? Personne vraiment, mais c’est un genre de double peine permanente.
Vêtue d’un pantalon comportant une ceinture métallique qui sonne au portique, une femme ne peut aller voir son homme au parloir. C’est prévu. Un jogging de remplacement lui est prêté. Sauf que le surveillant le lui tend sans vestiaire pour se changer. Elle doit se déshabiller devant lui. Imaginez le moral et la rage du détenu quand il apprend l’humiliation de sa femme.
À la maison d’arrêt de Nantes, un autre taulard bénéficie d’une sortie pour les obsèques de son beau-père, qui l’a élevé. Pour acheter des fleurs, il demande qu’on lui sorte un peu d’argent sur son pécule gagné par son travail en prison. Refus tout net des surveillants.
Après des rencontres avec leur famille au parloir, certains détenus subissent une fouille à corps par un surveillant qui enfile un gant pour sonder d’un doigt dans le cul l’éventuelle cachette intime. Une humiliation de plus évoquée par très peu de détenus, par pudeur d’une atteinte proche d’un viol.
La brimade la plus usuelle, c’est les changements de prison. En un mois, Georges Courtois en a subi trois. Sans que jamais la famille ne soit avertie. Ni l’avocat, qui se casse régulièrement le nez en allant voir un client changé d’adresse. Du coup, femmes et enfants se retrouvent devant une grille sans que l’administration ne divulgue la nouvelle destination. Faut attendre une lettre du détenu après déménagement, ou obtenir le rencard du service social. Alors qu’une bonne agence de voyage en annexe aux parloirs, ça ferait quand même plus classe.