Les fringants patrons de Vet’Aff
Affairisme
Très sollicités par les juges, les patrons de Vet’Affaires envisageraient d’ouvrir une succursale au palais de justice.
L’habit ne fait pas le moins que rien. Patrons de la prospère enseigne Vet’Affaires, un hard discounter désormais coté en bourse, Patrice et Rémy Lesguer sont des clients rêvés pour les success-stories de magazines économiques. Fils de prolo des chantiers Dubigeon, ils font toujours dans la fringue cheap. D’abord en plein air puis en ouvrant une boutique dans un garage de Rezé, aujourd’hui à la tête d’un petit empire d’une cinquantaine de magasins qui écoulent 25 millions de fringues par an et qui a son siège aux Sorinières. Commencer par les marchés pour finir au second marché, c’est pas beau ça ? Ça, c’est recto.
Au verso, les deux frères ont déjà à leur casier deux condamnations : à 60 000 F d’amende pour tromperie sur la marchandise et pub mensongère en l’an 2000 (des pulls prétendus laine Woolmark à 80 %, mais qui n’avaient presque pas de vraie laine), et à 15 000 F d’amende pour tromperie sur la marchandise et facturation non conforme en 2001. Des habitués de la correctionnelle.
Zéro euro, zéro camelote
On vient de leur reprocher en période de soldes d’avoir des pubs avec des articles à – 100 % de soldes, donc à zéro euro, mais qui ne sont pas disponibles quelques minutes après l’ouverture du magasin. Alléchés par la pub, les clients se déplacent mais y’a rien à zéro euros dans les bacs. Revenez demain à la première heure, disent les gérants. Le lendemain, ziquette, tout pareil. Les articles d’appel sont aussi introuvables. Le 26 septembre, les Lesguer brothers ont été condamnés chacun à 5000 euros pour ces réclames bidon et 12 000 euros pour facturation floue d’articles sans références, rendant impossibles les contrôles des services de la Concurrence et des Fraudes. Voilà les deux frangins habillés pour l’hiver.
Un autre procès les attend pour contrefaçon, intenté par la société choletaise de vêtements Arc-en-Ciel, qui a fait saisir dans un magasin Vet’Affaires des fringues copie conforme de leurs collections. Les frères Lesguer se disent innocents, mais quand même prêts à une transaction, un petit dédommagement de 15 000 euros qu’Arc-en-Ciel a décliné. Les frangins concèdent qu’ils ont bien vendu ces vêtements kif kif, mais soutiennent qu’il s’agit d’un lot acheté dans une vente aux enchères à Paris, et pas du tout de modèles démarqués et réalisés dans le nord de la Chine à bas coût, comme la plupart des nippes entassées dans les bacs de Vet’Affaires. Au passage, une idée des tarifs de main‑d’œuvre : 15,86 euros l’heure en France, 5,6 euros au Portugal, 1,8 au Maroc, et 0,45 en Chine…
Une autre procédure leur pend au nez pour travail dissimulé, la direction du Travail et la justice estimant que le système de mise en place de deux couples de gérants minoritaires par magasin n’est qu’un artifice pour échapper à la loi sur les ouvertures le dimanche qui concerne les salariés. Ces gérants, recrutés, sélectionnés, et placés par Vet’Affaires n’ont aucune marge d’autonomie. Complètement subordonnés, ils seraient des salariés déguisés*. Ça fait beaucoup de rendez-vous judiciaires. L’habit ne fait pas le drôle de moineau.
* « Vet’Affaires, l’art du déguisement », Libération, le 29 septembre 2003.