Les vapeurs de Monsieur Hulot
Les bronzés en vacances
Tarif unique : 3000 euros la pipe. Qui dit mieux ?
C’est décidé, Monsieur Hulot va se faire tailler une seconde pipe ! À St-Marc-sur-Mer, la statue du héros du film de Tati devrait retrouver son intégrité. On respire. Tout avait très mal commencé. Un mauvais plaisantin avait volé la pipe de la fameuse statue de bronze deux jours seulement après son inauguration, le 30 juin 1997. Depuis, son auteur, le sculpteur Emmanuel Debarre fulminait et réclamait la remise en place de ce brûle-gueule légendaire du personnage de Tati. L’artiste a même dû mandater un avocat et menacer la Ville d’un procès pour obtenir de la mairie de Saint-Nazaire le droit de retoucher son œuvre. Nom d’une pipe ! D’autant que des trous mystérieux sur la nuque fragilisent la statue : le sculpteur pense à une tentative échouée de décapiter son œuvre, la mairie croit plutôt à un défaut de fabrication.
L’opération de restauration est programmée pour le début de l’été. Coût de repipage, plus le rebronzage de la nuque, la finition et le polissage : 3000 euros, hors taxes.
Pourquoi avoir mis sept ans pour réparer cet acte crapuleux, cette atteinte à la personne de l’œuvre ? Un simple hic : la statue n’est assurée que contre les dégradations, pas contre le vol. La pipe n’était pas tordue, mais disparue, arrachée, retenue quelque part en otage sans la moindre revendication de rançon. Gros imbroglio juridique. La police d’assurance piétinait. Il a donc fallu trouver des arrangements, dégager des crédits. Sept longues années de négociations dues aux lourdeurs d’une administration incapable de s’adapter à une situation imprévue. Mais la mégalomanie d’un sculpteur amoureux de son œuvre n’a pas aidé. L’artiste s’est accroché à ses demandes de retaper la statue à Paris et d’installer une vidéo-surveillance sur le site !
La polémique est sérieuse. Mais l’issue favorable au conflit laisse un doute. La nouvelle pipe va-t-elle tenir plus longtemps que l’originale ? Le voleur de la première pipe veut-t-il se commencer une collection ? Et s’il créait des émules, une société anonyme secrète d’arrache-pipe impénitents ? À la mairie, on n’est pas sûr du tout que la pipe de remplacement tiendra longtemps. Le pire serait que l’enlèvement de la bouffarde devienne un sport local. À chaque fois, ça ferait combien, par tête de pipe ?