Les djeun’s condamnés à la maison en arrêt
Traitement maison
Il fallait la fermer. Quoi ? La fermer, on vous dit. La maison de jeunes de la Géraudière condamnée à un an ferme.
L’incident est clos, mais il aura fallu un an ferme. Un an de porte closes. Fermée à la mi-septembre 2003, la maison des jeunes (MJ pour les intimes) de la Géraudière devait rouvrir en juin. Echéance aujourd’hui repoussée à septembre 2004. Tout ça pour un banal conflit entre des jeunes et la directrice. Pas une tragédie. Juste un accroc. Il n’y a pas eu la moindre violence physique qui aurait obligé l’Accoord, gestionnaire du lieu et des centres socio-cul de la Ville, à calmer le jeu. Ah si : un coup de pied dans un pied de chaise, dans un moment d’énervement. Ni le pied, ni la chaise n’ont d’ailleurs porté plainte. “C’est incompréhensible. Sauf à relever l’incapacité de la direction de l’Accoord à appréhender les problèmes des jeunes majeurs et à gérer les conflits quand ils apparaissent. D’ailleurs, le directeur, issu de l’animation enfants, n’a jamais investi cette question des jeunes adultes”, explique un observateur avisé.
Retour sur le drame. Le 7 juin 2003, trois jeunes lancent une pétition d’une quarantaine de signatures demandant l’éviction de la directrice, accusée de “menaces, insultes et intimidations”. Lors d’une altercation plutôt “passionnée”, cette directrice aurait menacé un jeune de “déchirer ses vêtements et de se griffer afin de porter plainte pour tentative d’agression sexuelle”. D’un simple pataquès, on passe à la panique à l’Accoord, qui tranche. Pour éradiquer le mal : fermeture immédiate de la MJ, sans discussion. À défaut de maison d’arrêt, voilà une maison en arrêt. Les jeunes qui ont soulevé le problème d’incompatibilité d’humeurs se voient sanctionnés, privés de local. Même s’ils obtiennent en même temps l’éviction de la directrice. Promue illico au centre tout proche du Bout des Landes, elle a créé aussitôt de nouveaux hiatus relationnels avec son équipe. Comme précédemment. Une procédure de licenciement est en cours, montrant tout le flair et le sens du casting qu’on eu les patrons de l’Accoord en recrutant cette directrice.
En octobre 2003, Pierre Durand, directeur de l’Accoord, et Guy Guyet, directeur délégué à l’action locale, appellent au secours un cabinet conseil rennais, à qui est commandé un audit assorti de préconisations. L’idée de fermer l’équipement aurait jailli de ce rapport qui est depuis jalousement gardé secret : pas question que “des jeunes puissent raviver la flamme” en lisant ça, confie Guy Guyet, tout en assurant qu’il ne contient de toute façon rien de sulfureux. Anodin, mais secret. Même les élus du comité d’entreprise n’ont jamais pu y jeter un œil.
Fin janvier dernier, une réunion informe les jeunes des conditions de réouverture en juin. Ils pourraient même participer à la nouvelle structure au sein d’un conseil d’équipement : un machin formel, pas très adapté à la culture de jeunes, sollicités pour peser sur le devenir de leur lieu de rencart préféré au moment même où il est bouclé. Un vrai fiasco : aucun n’a donné suite à la demande.
Les mauvaises langues disent que la direction de l’Accoord aurait pu utiliser délibérément ce conflit pour éclater une équipe considérée comme “en place depuis trop longtemps”. Histoire de mettre les gens au pas. Il se dit aussi qu’une fermeture, c’est autant de dépenses en moins. Faut dire qu’il y a eu des économies à faire : après procès aux prud’hommes, la moitié des 630 000 euros de déficit de 2002 émanait des condamnations de l’employeur devant les juridictions sociales. Mais pas de souci, la Mairie a comblé les déficits. Depuis, il peut être bien vu de faire des économies après ces situations tendues. Après les tensions, il faut du stretching socio-culturel. Mi-macramé, mi-aïkido, mais pas trop.