J’accuse le coût
Coupe du monde du fric
Les matches de la Coupe du monde surbookés ? Footaise ! Mais les places qui restent coûtent dix fois plus cher. Une embrouille discrètement organisée par les organisateurs.
« Équité et transparence sont les maîtres mots de l’opération billetterie », claironne le CFO (Comité Français d’Organisation) de la coupe du monde. « Opacité et embrouille » auraient sans doute été plus justes, vu la confusion qui règne sur la vente des tickets. S’il n’y a plus, depuis belle lurette, de billets à vendre à leur prix initial, on en trouve très facilement et très officiellement, à un tarif cinq, six, voire dix fois supérieur à leur valeur nominale. Acheter une place pour le match Brésil-Maroc le 16 juin prochain à la Beaujoire ? Aucun problème. Un petit chèque de 2 456 francs à l’ordre de l’agence Take it de Nantes et le tour est joué. Le billet sera adressé fin mai en recommandé par la poste. Même chose pour la finale au stade de France, une place se réserve pour à peine 15 750 francs. Une misère.
« Scandaleux » ont hurlé certains journaux spécialisés, accusant les revendeurs pratiquant de tels tarifs de se comporter en bandits de grands chemins. L’antenne nantaise du CFO est même allée jusqu’à traiter d’escroc la patron de l’agence Take it et à le menacer de le faire embastiller. Les gentils organisateurs ont dû se raviser dès le lendemain et envoyer leurs plus plates excuses au revendeur, après avoir réalisé que leurs propres patrons étaient les vrais auteurs de l’embrouille. Le petit monde du foot a en effet mis au point une technique de génie pour ramasser un maximum de fric, tout en apparaissant comme une organisation philantrope vendant les billets à vil prix pour le plaisir du petit peuple.
Tarififi à la Fifa. En fait, seuls 25% des billets ont été proposés fin 97 au grand public. Tous les autres ont été réservés pour « la grande famille du football » (les licenciés) en 1996, puis répartis entre la FIFA (fédération internationale de football), le CFO et une dizaine de tour-opérators chargés de ventiler les tickets dans le monde. La société française Wagonlit a ainsi hérité de 12 000 billets à répartir sur la zone Afrique. Tous ces billets auraient dû s’arracher à l’étranger ces derniers mois. Ils n’ont même pas été mis sur le marché ! Trop peu rentable. Les fédérations qui n’ont pas d’équipe en jeu ont préféré conserver jalousement leur quota et le remettre dans le circuit au bon moment, quand les prix auront suffisamment grimpé. Les tour-opérators, de leur côté, ont carrément fait pot commun et centralisé leurs offres pour proposer tous les matches au public occidental et japonais, prêt à payer un maximum pour dégoter des places. La footix-connection ne reste pas les deux pieds dans le même crampon.
Place à l’embrouille ! Aujourd’hui, Wagonlit, agréé comme les autres tour-opérators européens par la FIFA et le CFO, propose ainsi des places pour tous les matches à de petites agences comme Take it, après avoir dopé ses prix, multipliés par cinq.
Ces places proviennent de sa dotation initiale destinée à l’Afrique, de la dotation des autres tour-opérators, et murmure-t-on de certaines fédérations étrangères, qui préfèrent faire un peu de gras sur leur quota que de les revendre directement à leur public. Les tour-opérators pouvant pratiquer les tarifs de leur choix, la manipulation est, au bout du compte, complètement légale. Du vrai marché noir officiel.Pour faire taire les esprits chagrins, qui commencent à s’offusquer de ce marché parallèle officiel, les organisateurs ont finalement décidé de remettre en vente fin avril quelques invendus récupérés auprès de certaines fédérations étrangères. Cette vente au « premier arrivé » devrait permettre de montrer que si les prix montent, ce ne serait ni la faute de la FIFA, ni du CFO, qui font ce qu’ils peuvent pour le grand public, mais de quelques intermédiaires peu scrupuleux. Alors que la filière qui couvre la spéculation est en place depuis le premier jour. Supporters, supportrices, on vous ment, on vous spolie ! Ce qui est ni sport, ni poli.