EDF pylonne la Brière
Brière on line
L’ennui trempé des paysages du marais briéron enfin embelli de pylônes. Le Parc naturel de Brière est ravi de se faire passer dessus par 225 000 volts dont l’utilité publique vient d’être décrétée en catimini.
Cinq ans que le projet est dans les cartons, prêt a déclencher une épidémie de pylonite aigue sur les zones humides protégées de la Brière, décidément très chahutée ces temps-ci. Quarante nouveaux pylones de 22 à 40 m de haut, treize kilomètres de ligne à 225 000 volts pour remplacer l’actuelle ligne haute tension, jugée vétuste. Pensez, elle ne trimballe que 63 000 petits volts. EDF n’a pas vraiment fait la démonstration de l’utilité de ce survoltage pour une bretelle de secours du réseau, mais s’il faut avoir une raison pour tout… Le projet souleve un tollé d’écolos locaux, comité de riverains, LPO et Verts de St-Nazaire. Officieusement, la SEPNB Bretagne Vivante est contre, mais ne l’a jamais dit officiellement, encore moins écrit. Ces écolos sont curieusement épaulés par un chasseur, un seul, le député européen Jean-Louis Bernié dont on se demande s’il ne vient pas chercher une virginité environnementale. La ligne à très haute tension a aussi soulevé la légitime opposition du président national de la fédération des parcs naturels régionaux de France, mais le président du parc de Brière est, lui, d’accord pour que 225 000 volts lui passent dessus. À la tête du Parc de Brière, le maire RPR de Pontchateau et conseiller général Dominique David, est réputé pour ne pas avoir inventé la poudre, ce qui, en pays de chasseurs furieux, est presque un compliment.
225 000 volts à ras la tourbe
Le commissaire enquêteur s’est aussi déclaré favorable à l’option lourde et au tracé de la ligne, qui dérive de celle de 63 000 volts en suivant la verte vallée du Brivet. Faut dire que sous l’actuelle ligne, bon nombre de maires, comme celui de Pontchâteau, ont délivré des permis de construire à tour de bras à de braves électeurs qui ne seraient pas ravis de se faire planter des pylônes géants à ras leurs pavillons, survolés par une guirlande trois fois et demi plus puissante.
Le tracé du projet n’a pas fait broncher la commission départementale des sites, où curieusement, la SEPNB a demandé un vote à bulletins secrets, ce qui fait qu’on ne sait pas qui a voté quoi. Au même moment, le projet de charte du Parc de Brière ne s’étouffe pas sous la contradiction en affirmant d’une part son opposition à l’usine d’incinération Trédi à Montoir (hors du territoire du Parc), ce qui ne mange pas de pain puisque cette grosse unité brûle-déchets est aujourd’hui abandonnée, alors que d’autre part, le texte prend pour acquis la ligne à très haute tension, se contentant de demander des mesures de compensation, d’autres lignes électriques enfouies qui de toutes façons sont déjà prévues, cofinancées par les collectivités territoriales. A Eurodisney, on a enfoui pour Mickey sept kilomètres de lignes très haute tension, mais ici, les anonymes canards migrateurs ne valent pas la célèbre souris multinationale. Il y a bien une convention passée en 1997 entre l’Etat et EDF pour enfouir les nouvelles lignes haute tension dans tous les parcs naturels régionaux, mais EDF, subtile, note que l’accord ne s’applique pas aux lignes très haute tension.
Duperie en douce
Et puis, alors que personne ne s’y attendait, alors que la Commission nationale de protection de la nature était en pleine discussion sur la charte du Parc de Brière, la déclaration d’utilité publique est tombée dans la plus grande discrétion, six petites lignes au journal officiel du 16 décembre dernier. Comme si le Secrétariat d’état à l’énergie voulait jouer fin, gagner le temps des fêtes pour rendre plus difficile d’organiser en moins de deux mois un recours devant le tribunal administratif. La LPO et le comité de défense de la vallée du Brivet ont quand même pu intenter à temps ce recours contre une utilité publique qui reste à démontrer. En attendant ce jugement, la Brière sera peut être déjà enrichie d’une espèce rare, le canard électrique.