Le management au pied-de-Biche
Bijoutri
Un « hymne à la vie, à la joie de vivre ». Ce lyrisme est signé Nelly Biche, jeune patronne à main de fer de la société de bijoux fantaisie Biche de Bère. Ainsi présenté, le dernier catalogue a vu les salariés maison remplacer les mannequins professionnels. Joli travail d’image, dans une entreprise qui a connu un climat social plus que pourri sous la pression des patrons Nelly Biche et son compagnon Christophe Cais, volontiers qualifiés de caractériels. Le joli catalogue est ponctué de slogans sociaux digne d’une philosophie de solderie : « Ne mettez plus les mains dans les poches », « Prenez le temps », « temps de chiens, tant de Biche de Bère !… tout va bien ! »
Illustrations de ces préceptes : en 1997, la patronne avait demandé aux salariés de l’usine de Châteaubriant de voter le licenciement d’un technicien, puis convoque les salariées une par une pour leur arracher ce soutien. Depuis, plus d’une vingtaine de procès aux prud’hommes ont été gagnés par les salariés éjectés. Parfois découragés, certains laissent tomber comme Hélène Bouscaud, assistante de direction : « On m’a même demandé de faire des faux inventant des fautes graves pour licencier deux anciennes collègues à la fonderie ». Elle a craqué, poussée à la dépression nerveuse en septembre, par une surcharge démentielle de travail en heures sup obligatoires et non payées, et par ce qu’elle qualifie de « harcèlement moral ». La dépression a été suivie d’un licenciement sans préavis pour incapacité de travail. Actionnaire de la société, elle est pourtant écartée de l’information minimum, assemblées générales, bilans annuels de la société.
Le directeur général, Christophe Cais justifie ce climat : « Nous sommes obligés d’être très exigeants avec notre force de vente, car la moindre baisse du chiffre d’affaires peut avoir des conséquences dramatiques pour notre entreprise. (…) Si des employés ne sont pas contents, personne ne les retient chez Biche de Bère. Le secteur de la vente regorge d’offres d’emploi* ». Après de tels propos, les grands sourires du catalogue paraissent une peu froids. La faute au papier glacé, certainement.
*Libération, 31 mai 1999.