Le mouvement breton javellise ses chemises noires
Corrigés d’histoire
Pour passer de collabo à héros, il suffit d’un peu d’amnésie révisionniste. Les saluts fascistes de militants bretons des années 1940 à 1944 ? C’est forcément une vue de l’esprit français. Une pure calomnie jacobine, une machination d’historiens.
Soixante ans suffisent pour battre le tambour de la machine à laver l’histoire. Sous le titre informatif « Il était né à Saint-Nazaire. Yann Goulet est décédé », Ouest-France rend hommage à la disparition du militant breton le 27 août 1999 avec une bienveillance à faire mentir l’Histoire. Non signé, l’article d’OF dérape sur la période qui fâche le mouvement breton : la Collaboration : « La guerre marque un tournant capital dans sa vie. Rentrant au pays à la fin de l’année 1940 après avoir été fait prisonnier sur le front de l’Est, il s’engage dans les rangs du Parti national Breton et y prend la responsabilité des organisations de jeunesse. Ses menées séparatistes lui vaudront d’être condamné par la justice française à la Libération ». En fait d’anodines « organisations de jeunesse », Yann Goulet menait la milice du PNB, les « bagadou Stourm », section d’assaut faisant office de service d’ordre du parti à défaut de pouvoir la modeler en groupe armé paramilitaire. Goulet en dessine l’uniforme, chemises noires, bottes de cuir, brassards. Comme les membres du PNB, il fait allégeance à Hitler, allié objectif dont ces Bretons espèrent l’autonomie dans un empire nazi les délivrant de la France. Yann Goulet est condamné à mort par contumace par la cour de justice de Rennes en 1947, alors qu’il s’est enfui en Irlande. Ce ne sont donc pas ses « menées séparatistes » qui lui valent cette condamnation, mais bien son activité de collabo.
Collaboratoire de l’amnésie
Ce blanchiment des heures noires des militants bretons n’est pas une bavure isolée. Problème de racines : ceux des années vingt et trente qui ont bâti la revendication bretonne, culturelle, linguistique et séparatiste se sont engouffrés dans une stratégie d’alliance avec l’Allemagne hitlérienne contre l” »oppresseur français ». Ce passé collabo colle à ces personnages dont on voudrait ne retenir que leur activisme d’avant 1940. Avant la dérive nazie, même plaidée comme purement tactique.
Ainsi à Brest, le collège bretonnant Diwan porte depuis la rentrée 1989 le nom de Roparz Hémon, expert en langue bretonne certes, mais aussi animateur de la radio émettant de Rennes en breton en 1941, sous tutelle allemande et pétainiste. S’il n’avait rien à se reprocher, pourquoi avoir fui en Allemagne en 1944 au sein de la sinistre « bezenn Perrot », milice armée de militants bretons en uniformes SS ? Auteur de textes antisémites, condamné à 10 ans d’indignité nationale en 1946, il n’a jamais renié son passé.
Bulles noires
Un même vent de mensonge par omission souffle dans les vignettes de l’Histoire de Bretagne en bande dessinée de Reynald Secher et René Le Honzec, dont les planches des premiers albums sont aujourd’hui diffusés quotidiennement par Ouest-France. Il y en a pour 340 numéros à publier l’intégrale. Soit disant historien, Reynald Sécher n’est en fait que diplômé ès lettres. Il appartient au cercle Renaissance, aux côtés de personnalités de l’Opus dei comme Otto de Habsbourg, et d’un aréopage de braves extrême-droitiers comme Bruno Gollnisch, Marie-France Stirbois, Jean-Marie Le Chevallier, Jean-Claude Martinez. Sécher est aussi membre du Cercle Horizons qui organise notamment un pélerinage sur la tombe de Robert Brasillach. Quant au dessinateur, René Le Honzec, il aurait travaillé à Minute cinq ans, sous le pseudo de Torr’Pen. Petit détail au passage, les sponsors de cette bande aussi mal dessinée qu’ouvertement révisionniste se retrouvent au sein de l’Institut de Locarn mêlant patronnat breton, Opus Dei et droitiers de l’économie.
Le tome 7 de cette Histoire de Bretagne, période 1914 – 1972, évoque les militants bretons historiques, gommant toute évocation, même succincte à leur parti pris de collabos ou à l’antisémitisme haineux affiché par Olivier Mordrel et François Debauvais, leaders du PNB et pro-nazis notoires. Pour dessiner une vignette où figurent les chemises noires du PNB, Le Honzec use d’une photo connue, dont il gomme la partie droite, où deux miliciens font le salut fasciste au drapeau frappé du triskell. Ce n’est plus de la réécriture de l’histoire, c’est de la rature. Et venant de ceux qui font litière de leur histoire, c’est de la litière-rature. A noter que seule la langue bretonne protège contre des jeux de mots aussi affligeants.