Effluves sur le fleuve
Suif generis
L’air de rien, le feuilleton de Mainguet, l’usine rezéenne qui suiffe à qui mieux mieux n’en finit pas d’en finir. Et ce n’est pas fini, grâce aux récentes autorisations données par la Préfecture.
Le riverain peste, l’usine empeste. Installée depuis une cinquantaine d’années dans le quartier de la Haute-Ile à Rezé, la suifferie Mainguet se distingue régulièrement par ses rejets de graisses blanchâtres dans le fleuve, accessoirement dans les rues du village et, en toutes circonstances, par ses rejets de puanteurs dans le nez des voisins. Mise au pas par le tribunal administratif, l’usine a maintenant la certitude d’avoir bientôt sous ses fenêtres le bâtiment des Nouvelles Cliniques Nantaises – Catherine de Sienne. Après avoir tenté tous les coups pour essayer de chasser l’empêcheur de polluer peinard, Mainguet frappe maintenant aux portes de la préfecture pour obtenir à peu près tout ce qu’il demande.
Le 25 août 2000, le préfet autorise la fétide suifferie à poursuivre son activité à condition de ne pas augmenter la production, de ne plus travailler du tout le week-end (c’est une redite, mais Mainguet s’est jusqu’ici assis sur l’interdiction ce qui lui vaut une information judiciaire en cours) et surtout de construire rapido une station d’épuration pour empêcher les rejets graisseux en Loire et les puanteurs offertes gracieusement aux riverains.
Gras double
Prometteuse de paix des voisins, cette station d’épuration aurait donc toutes les vertus. Y compris celle très christique de multiplier les petites tonnes de suif comme d’autres les pains. L’arrêté préfectoral prévoyait un traitement de matières de 300 m³/jour. Trois mois plus tard Mainguet en demande le double et l’obtient. Mais attention, le suiffeur explique que cette augmentation des flux journaliers n’a rien d’une augmentation du volume d’activité, comme on pourrait naïvement le croire. Il faut juste prévoir plus gros pour éviter d’avoir à reconstruire, si les flux journaliers devaient augmenter. Nous y voilà. À en croire l’étude commanditée par Mainguet, à une époque surtout soucieux d’accroître sa capacité de traitement, l’usine brasserait 140 000 tonnes de matière première par an. Soit 40 000 de plus que ne l’autorise l’arrêté du 20 juillet 2001 qui prévoit la construction de la future station.
La société fait aussi des économies. En juillet, par la voix des services vétérinaires débordés devant cet outil industriel, le conseil départemental d’hygiène a autorisé Mainguet à remplacer une partie du gaz de combustion de ses chaudières par de la bonne graisse, moins chère. Sans se soucier d’étudier les risques, l’impact sur les riverains, les odeurs…
Quelles quantités de matières grasses transitent vraiment par le portail bleu de la suifferie ? Demandez à la CLIS, la Commission locale d’information et de surveillance, promise à grands effets de manche par l’ancien secrétaire général de la Préfecture et qui attend toujours de tenir une première réunion. Et il faudrait pour cela une décision du Préfet. Qui attend peut-être que l’industriel du parfum suiffé lui en donne l’autorisation.
Le Suif Errant
* Sources : “Informateur Judiciaire”, tribunal de Commerce.
État de sièges
Mainguet abrite discrètement huit sociétés* présentes au 2 bis, 3 et 9 bis rue des Chevaliers, dirigées ou gérées par le PDG de Mainguet, son fils, sa femme, sa famille proche, moins proche, et même par un ancien directeur de la suifferie. Très imbriquées, ces sociétés font de tout sans tapage : location de véhicule, négoce, prise de participations et, tout de même, fabrication d’huiles et graisses. Et deux holdings, dont l’une donne également dans “l’école de conduite”. L’une de ces enseignes, la société CGAO (Corps gras alimentaires de l’Ouest), spécialisée dans le raffinage de suif et saindoux, est domiciliée 9 bis, rue des Chevaliers. Une adresse improbable en fond d’impasse, la végétation interdisant l’ouverture du petit portail rouillé. De fait, cette société est répertoriée dans l’annuaire des pététés au n° 3 de la même rue, l’adresse principale de Mainguet. L’ensemble de ces sociétés vient de gonfler son capital social cumulé de près de 14 MF (environ 2,13 millions d’Euros) ce qui en porte environ le total à 275,5 MF (27 milliards de vieux francs).
* CGAO, Mainguet SAS, SLTS, Celys, CCO, Ceral, Financière Delambre, Delambre Invest. Huit sociétés, mais peut-être d’autres d’ici quelques jours, six sociétés dirigées par les mêmes personnes faisant actuellement l’objet de modifications, dont la SCI Chevaliers-Acacias, propriétaire du terrain sur lequel sera implantée la station d’épuration.