Patator contre les ombres
Grenaille
Dix-huit pommes de terre sont entrées illicitement dans les poches d’un pantalon. Face à ce crime de première nécessité, des maraîchers de La Chapelle-Basse-Mer ont employé les grands moyens. Propriétaires du champ spolié par des glaneurs nocturnes, ils se sont fait justice eux-mêmes. Un mois et demi qu’ils planquaient la nuit au pied de leurs patates, les deux frères Duhil, leurs flingues à portée de main. Faut dire qu’ils étaient colère. Déjà deux fois qu’on leur vole des légumes, à même le champ. Oui, oui. Deux fois ! Pour une centaine d’euros, dit Pierrick Duhil, chasseur à ses heures, qui ne dispose, il est vrai, que de revenus très faibles. Cette nuit du 21 août dernier, ces trois kilos de patates, ce n’était à son avis qu’un début : « Ils allaient en prendre cent kilos…» Alors il a sauté sur une ombre, lui a mis un couteau sous la gorge, rameuté son frère pour séquestrer le criminel, et appelé les gendarmes en prévenant que si le fourgon des acolytes se pointe, il tirera dessus au fusil. Les gendarmes sont arrivés trois quarts d’heure plus tard. Après quatre coups de fusil. Son frère tire en l’air, Pierrick Duhil vide son fusil de chasse, alignant le conducteur qui, blessé à l’œil, parvient quand même à s’enfuir. « C’est moi qui ai tiré. J’avais prévenu. Ils en ont mis du temps à venir, les gendarmes, explique Pierrick Duhil à Lulu. Il a eu de la chance de s’en tirer à si bon compte. Il aurait pu être mort. Je ne suis même pas sûr qu’il a l’œil perdu. Je me demande s’il ne tire pas au cul pour faire croire ça. J’ai rien à me reprocher. Tout le monde m’a dit que j’avais bien agi, mais les ennuis avec la justice, c’est juste moi qui me les prends. »
Mis en examen pour tentative d’homicide volontaire, il cherche un avocat. Adjoint à l’économie et à la communication à La Chapelle-Basse-Mer, Jean-Michel Morille s’efforce de monter un comité de soutien « discret et informel » pour remonter le moral de celui qui a « pris un coup de sang, l’exaspération expliquant ce comportement logique, même s’il est peu civique ». Les descendants de Parmentier devraient se porter partie civile.