Les chiens aboient, la caravane n’a pas de place
Voyage voyage
Florilège de l’esprit de tolérance version gadjo.
Fait pas bon être gens du voyage. Même les touristes à la descente du train doivent se méfier. Leurs valises les rendent plus que suspects : délictueux. C’est ce que laisse entendre Presse-Océan le 5 octobre en présentant à la une : « Sarkozy ; réponses à l’exaspération des Français », et son « arsenal de sanctions contre dix nouveaux délits ; notamment la prostitution, les squatters, les gens du voyage, la mendicité et les bandes ». On apprend ainsi que le fait d’être Rom ou Manouche est d’emblée un délit.
Le projet Sarkozy est d’une subtilité d’enclume : vous, les dangereux, rejoignez vite fait les aires d’accueil qui vous sont dédiées et ne bougez pas d’une oreille. Et ceux qui refusent de s’y entasser, au gnouf ! Tout le monde sait bien que bien des maires ne respectent pas la loi Besson, qu’ils n’ont pas les aires d’accueil communaux et que celles qui ont été créées n’ont pas assez de place pour accueillir tout le monde.
Et quand s’annoncent de nouveaux terrains, c’est le tollé. Deux exemples, avec manif et banderoles aux conseils municipaux. La Chapelle-sur-Erdre : des riverains forment une association contre la création de l’aire d’accueil. Arguments : préserver le cadre de vie, sauvegarder la nature, éviter « bruit, coups de fusil, milieu naturel saccagé, dépréciation des maisons environnantes, règlement de comptes, vols de voitures, rodéos, cambriolages », comme le martèle le porte-parole des riverains Yannick Rinfray, qui dit carrément « j’ai acheté il y a deux ans. Si ça se fait, je n’ai plus rien»**. Même topo à Treillières. Là pourtant, les gens du voyage sont traités comme d’habitude, accueillis dans l’ancienne déchetterie. Un classique. « Pourra-t-on les évacuer s’il y en a trop ?», lâche un élu. Un cri du cœur.
Autre manifestation de l’humanisme gadjo, auprès de l’hippodrome. Plusieurs chaînes de télé sont là pour filmer les canassons de course, pas pour un reportage sur la quarantaine de caravanes qui a fait escale. « Une quinzaine de caméras seront installées au Petit-Port, le cadre est extraordinaire, mais la présence des caravanes dans le champ serait une contre-publicité terrible pour Nantes !» pleurniche Michel Bodiguel, le président de la société de courses***.
Même rejet quand on cause urbanisme : « Actuellement les projets de développement, au Sud, se résument à un camp de nomades, une déchetterie, une prison et le départ de l’aéroport », se lamente un président d’association pour demander l’implantation à Rezé du Zénith****. Au moins c’est clair : si personne n’assume le respect de la loi comme un devoir de solidarité sociale, on préfère mettre dans le même sac les ordures, les caravanes et les taulards. Tiens, au fait, la rumeur sur le vol des poules, ça ne tient pas : les poules ne savent pas voler.
* Presse-Océan, 25 septembre et 19 octobre 2002.
** Ouest-France, 24 septembre 2002.
*** Presse-Océan, 2 octobre 2002.
**** Ouest-France, 1er mars 2002.</I>