Du plomb dans l’île
Saturne à la cata
Saturnisme et lapinduchapeauisme sont les deux mamelles du Nantes d’en dessous.
En août 2003, un cas de plombémie était diagnostiqué chez une gamine de deux ans dans le Bas-Chantenay. Une présence de plomb dans le sang, et dans le sol de la cour de l’immeuble. Depuis cette découverte gênante, il fallait vite un fautif. On a trouvé un salaud de pollueur, chargé de tous les maux et de porter le chapeau. Mais peut être aussi pour couler une chape de plomb sur le reste. Le 10 juin, le Conseil d’Hygiène* se réunit normalement pour bûcher les dossiers en cours. Au moment de ranger cartables et crayons, le représentant de la Drire ** agite un ultime dossier non inscrit à l’ordre du jour. Coup de théâtre : il livre le coupable du cas de saturnisme Chantenaysien . C’est la fonderie Dejoie, jadis spécialiste de la fonderie de plomb et toujours fabriquant de scellés. Dejoie est pointée comme la seule responsable. Pas la peine de fouiller plus loin. La pollution doit être circonscrite à quelques habitations autour. Brouhaha autour de la table contre ce lapin jailli du chapeau, censé clore le dossier. Tant la Ddass que les associations protestent : personne n’a été prévenu et n’a pu préparer d’arguments. Certains soupçonnent la fonderie de ne pas être la seule mouillée dans ces enfouissements de métaux lourds. Le problème serait alors bien plus gênant. Le responsable de l’union départementale de protection de la nature se souvient que, durant des décennies, l’usine chimique Ugine Kulman de Chantenay a déversé sur Nantes et ses alentours des tombereaux de résidus gorgés de plomb, d’arsenic, de cobalt et autres joyeusetés dont elle ne savait que faire. Utilisés comme ballast des lignes SNCF ou comme remblais, ces déchets seraient maintenant disséminés un peu partout, y compris sur l’île de Nantes, futur cœur de la ville. Un coup de saturnisme au cœur, faudrait pas que ça plombe un si beau projet.
* Le conseil d’hygiène réunit environ 25 personnes (représentants d’associations, des services d’État, de la préfecture, etc.). Il donne un avis au préfet pour des projets touchant à l’environnement, au cadre de vie et à l’hygiène publique.
** Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement.