Quand François-Régis excommunie les malpolis de la presse
Sa sainteté François-Régis a des visions. Témoin, son encyclique* inspirée de la récente et timide évolution des évêques français sur le port du préservatif, sobrement intitulée Mépris et dérision. Dès qu’il ouvre un journal (sauf OF, of course), surgissent mille démons ricaneurs, qui prennent la forme de « titres, photos, dessins insultants pour les évêques et pour l’Église ». Diable ! Et quels bulletins paroissiaux hantent-ils, ces petits satans d’encre et de papier ? Le mystère demeure impénétrable, l’infaillible pape du premier quotidien de France n’en dit mot. Le pire, c’est qu’il n’y a que lui qui les voit : « De telles vilenies ne soulèvent aucune protestation, comme s’il était normal en France de tourner en dérision, chaque fois que possible, la religion catholique et l’Église. » L’éminent éditorialiste en a des sueurs froides : « Comment peut-on […] proposer aux Français […] et surtout à une jeunesse jugée sans repères […] le respect des valeurs et des traditions qui ont fait que la France est la France ? » Ah ! Montjoie… Saint Denis ! Que sont devenues nos traditions du temps jadis, la France éternelle fille aînée de l’Église et tout le saint-frusquin ? Un credo que ne renierait pas le bon paroissien de La Trinité-sur-Mer, qui s’y connaît en amour du prochain. Encore un peu et Mgr Hutin nous pondra ses éditos en latin ! Mais le Ciel, qui pourvoit à tout, souffle à l’onctueux patron d’Ouest-France la solution miracle : vade retro caricaturas, il faut exorciser la presse de ses maléfiques journalistes. Comment ? Par la seule grâce du « poliment correct », si l’on en croit sa prière : « Rester dans les limites, sinon du bon goût […] du moins dans les limites de la correction, de la politesse. » De là à changer l’encre des rotatives en eau bénite… Il s’est quand même trouvé une lectrice – sans doute une âme égarée – pour se fendre d’un courrier à la direction du journal. L’impie malpolie ose rappeler au pontifiant pontife « qu’en tous temps et en tous lieux, le gouverné et le dominé ont toujours eu l’incorrection d’utiliser la dérision au risque du mauvais goût contre le mépris du gouvernant et du dominant ». Amen.
* éditorial du 17.02.96