Des extrêmolos dans la voix

Publié par lalettrealulu le

Locarnivores

Louboutin soigne sa droite. Si son journal paraît taper mou, ses parrains sont des durs de durs.

Pour lancer son quinzomadaire Le Nouvel Ouest, Hervé Louboutin a rappelé que le magazine doit beaucoup à l’institut du Locarn. Un club de réflexion pour patrons bretons, basé à Locarn*, Côtes d’Armor, dont le penseur-fondateur est un certain Joseph Le Bihan, prof à HEC qui se dit Breton d’abord, Français ensuite, Européen enfin. Une version reliftée de l’occident chrétien enraciné dans la culture régionale. Interviewé dans le N°5 du magazine, Jo se contente d’un plaidoyer pour « l’entrepreneur créateur de richesses » et « les familles nombreuses bien soudées ». Quand on déterre ses propos tenus discrètement devant un auditoire conquis, le ton se révèle beaucoup plus cynique, ultra réac, voire révisionniste. En 1992, il conférençait devant les invités d’un patron d’une coopérative agricole de l’Yonne, qui a tout publié sous le titre « Génèse de l’Europe unifiée dans le nouveau monde du XXIe siècle ». Jo Le Bihan qui se dit « faiseur d’opinion » assène quelques perles ultra libérales, stigmatisant l’assisté au « RMI prolongé », à qui il oppose l’« adulte qui s’assume, bon citoyen qui coopère à l’ordre public et qui informe la gendarmerie lorsqu’il voit un criminel ou un voyou !» Sur l’immigration, il sélectionne les « migrants utiles, qu’il faut aller chercher pour nous enrichir », à séparer des « inutiles, charges pour la société » et des agressifs, « casseurs ou subversifs ».

Niant allègrement la spécificité de la Shoah, Le Bihan entonne les thèses révisionnistes en proclamant : « Hitler et le régime nazi ont assassiné moins d’hommes et de femmes – ethnocide juif compris – que Lénine et Staline (…) Il n’y a pas de différence de nature entre le nazisme et le communisme, mais le second a été pire que le premier !» Il faut aujourd’hui comprendre les néo-nazis en Allemagne : « Que feriez vous si vous aviez 10 % d’étrangers chez vous, importés par les communistes, et mieux traités dans vos écoles que vos propres enfants ?»

Il a des idées sur tout, même pour le front russe. Eltsine « peut être remplacé un jour par un militaire russe, car ce pays a besoin d’une démocratie musclée, ce pays a besoin d’un Pinochet, que beaucoup de Russes attendent (…) Rien ne vaut un militaire comme chef du pouvoir. Les civils sont des gens trop violents lorsqu’ils s’agit de régler les instants difficiles de l’histoire (…) Nous assistons à une véritable explosion de ce peuple avili par son histoire récente et ceci malgré une demande de rechristianisation forte (…) Le problème n°1 est le manque d’aumôniers militaires ». Une bonne dictature, et une armée de curés kakis, voilà l’idée de génie.

Le tiers-monde ? Mérite pas un geste. Insolvables, les crève-la-faim peuvent crever. « Nous pouvons donner tout l’argent de la France à l’Afrique, nous ne verrons jamais naître un développement dans ces pays. On ne crée pas, on n’enfante pas à partir de la mollesse (…) Il y a des limites dans l’interprétation chrétienne de l’ancien testament, c’est précisément l’une des causes de la crise du monde occidental : une sensiblerie non-adulte. Savoir corriger quelqu’un avec une certaine rigueur et violence morale est une faculté rare aujourd’hui. » Ne le répétez pas à un gars du sud, il irait flanquer sa rigueur dans le gueule du penseur breton.

Les Japonais ? Des sauveurs de l’économie française. Evoquant l’entreprise Sumimoto implantée à Montluçon : « Le Samouraï sait mettre des « sous-développés gaulois » au travail. Il n’y a jamais eu une seule journée de grève (…) On ne crache pas dans la soupe lorsqu’on a sauvé votre emploi !». C’est ce qu’on appelle une pensée d’extrême-boîte.

* Le dernier numéro de la revue Golias consacre treize pages très éclairantes au Locarn, le « Davos breton » et montre la stratégie géopolitique de ces cathos plus forcenés qu’ils n’en ont l’air.