Les lectures immondes de saint Hutin
Apostrophe
Pour le Goncourt des lycéens, 1998 est une année noire. Ces braves potaches ont dû cette année lire un livre lamentable, et heureusement, le patron de Ouest-France a veillé au grain, se fendant d’un édito vengeur contre Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq. « Que font les autorités éducatives ?», glapit-il, qualifiant de « dérives » d’écriture ce qui « contribue à disséminer dans la jeunesse ce qui est, non seulement le plus troublant, le plus écœurant, mais pire encore, le plus sordide mépris de la personne humaine ?» Selon le sémillant patron du quotidien, les écrivains sont les inspirateurs impunis des pédophiles. C’est bien connu, sans les livres de Tournier, ces pervers n’auraient jamais tripoté un chérubin. Vite, patron, faites interdire aux moins de 18 ans le livre d’Houellebecq « dont nul éducateur digne de ce nom, nul parent ne devraient pouvoir tolérer qu’on en recommande la lecture ». A prendre les jeunes pour des cons, FRH oublie qu’il peuvent penser par eux-mêmes. Comme ce lycéen de 1re, qui donne son opinion dans l’édition de Nantes de Ouest-France, trois semaines après l’édito de FRH : « Oui. Les jeunes peuvent lire Les Particules élémentaires. Les lycéens sont capables de savoir s’il apprécient ou non un sujet et de cataloguer Bruno ou Michel (les deux demi-frères du roman) comme des êtres fous et pas vraiment intéressants. Un roman qui mérite d’être lu. » Moralité : les auteurs pornographes, il faut les pendre haut et Goncourt.