Chasse à courre d’arguments

Publié par lalettrealulu le

Tromperie

Prions, frères à bombes, pour que Dieu bénisse la mise à mort. Ce n’est pas en Irak, mais en forêt domaniale du Gâvre que la prière accompagne cette boucherie. On vous re-cerf quelque chose ?

Les chiens chient. Quand on les bénit, les chiens chient. Probablement plus par goût pour les hasards incongrus de la langue française, que pour évacuer la digestion de leur pâtée, bien avant la curée que le curé des chasseurs n’a pas bénit. L’abbé de chasse se défie des jeux de mots si peu spirituels. C’était un samedi matin d’automne, à la Hubiais, en Forêt du Gâvre. Plafonné par une grisaille de nuages au dessus des arbres, la chasse à courre débute par une messe de St Hubert sur tapis de feuilles mortes. Le curé chante faux, sur fond d’aboiements de la meute et de hennissements de chevaux. Toute l’assistance est couleur chasseur, kaki, vert olive, caca d’oie. Il y a là quelque cent cinquante rupins de la chasse d’en haut : l’Équipage de La Bourbançais, airs de maîtres et têtes de fin de race, en livrée verte à parements jaunes, mais aussi les sonneurs de la société des Trompes des Cinq Forêts, et le petit peuple des suiveurs, des manants, allure respectueuse et voix basse. Ces gens du cru sont tolérés parce qu’il faut bien se défendre de l’élitisme, pour une chasse qui fait quand même Ancien régime sur le domaine public. Là, avec ces braves culs terreux admis à assister aux cérémonies, les chasseurs à cheval s’octroient une justification quasi sociale, comme une abolition paternaliste de la lutte de classe. La course au cerf passe ainsi pour un loisir pluriel du monde rural…

Pour la quête, pas de corbeille, chacun glisse son aumône dans les pavillons de trompes de chasse, passés par des jeunes filles en livrée. Aux hommes revient la brutalité stylée de mener les opérations, aux femmes de ramasser l’aumône.

Malgré leurs fourgons à chevaux, leurs voitures puissantes et leurs canassons fringants, ces braves chasseurs ont quelques problèmes de sous. Les pauvres assemblés sont invités à prendre des billets de la tombola, pour subvenir aux frais de la chasse. Les rmistes pourraient cotiser, que diantre !

Le curé bénit la meute des chiens, en priant le ciel que « ces créatures de Dieu se comportent bien ». Pas un mot pour bénir le cerf. Pendant le rituel de la messe, le curé à barbiche boit le calice jusqu’à la lie. Pas jusqu’à l’hallali. Toujours méfiant sur les jeux de mots. Jamais il n’évoque non plus l’analogie avec l’hallali du Christ, pourtant achevé comme le cerf, percé d’une lance, selon la légende. Ce parallèle donnerait le mauvais rôle aux descendants des chasseurs de Pilate. Les descendants de Pilate ne broncheraient pas. Mais les chasseurs…