Le syndicalisme ramollit aux fesses

Publié par lalettrealulu le

Jetonisme

A force de siéger partout, les muscles des syndicalistes peuvent finir tout mou. Exemple avec la CFDT.

Le syndicalisme est-il soluble dans les jetons de présence ? Hors de l’entreprise, leur fief historique, les militants syndicaux astiquent beaucoup leurs sièges dans les institutions paritaires, ANPE, ASSEDIC, CAF, médecine du travail, Sécurité sociale, comités divers et variés, consultatif d’agglo, de bassin d’emploi, d’aménagement du territoire, d’accompagnement du PARE, conseils d’administration de l’Université, d’IUT…

La CFDT des Pays de la Loire place 300 délégués, permanents et vrais salariés, dans ces corps intermédiaires. Par manque d’intérêt et de forces, ce syndicat a quand même déserté les conseils de discipline de la Sécu, le conseil d’administration de certaines facs, les commissions d’homologation des diplômes de l’enseignement technique et d’autres sièges… « On sait très bien créer de nouvelles structures, mais on ne sait pas alléger celles qui demeurent. On fait du mille-feuilles », dit un permanent.

« Dans les entreprises, ces participations sont un peu vécues comme une trahison, une fuite loin du terrain. On s’entend souvent dire : où t’étais encore passé ? On t’a pas vu depuis deux jours. T’as pas été élu pour ça », avoue Jean-Paul Leduc, permanent à l’Union régionale CFDT qui siège avec neuf autres cédétistes au CESR, le Comité économique et social régional. Le top. « C’est vrai, on y est bien assis, entre gens polis, on mange bien, on n’est pas agressé et on n’a pas de compte rendu de mandat. Il faut être conscient qu’on vit sur un grand pied et veiller à ne pas s’embourgeoiser. J’y suis depuis dix ans. Il faut que je passe la main. » Là c’est le jackpot. Le CESR est la plus lucrative de ces participations, avec des jetons de présence conséquents, et des indemnités au temps passé en commission. Nominatifs, ces dédommagements, 700 euros par mois en moyenne, sont reversés intégralement au syndicat, qui rembourse les pertes de salaires de ceux qui s’absentent des petites entreprises. D’autres centrales placent des retraités à qui ils n’ont rien à reverser, et l’ensemble de l’indemnité enrichit la caisse syndicale. Bonus : chaque membre de commission peut siéger aux autres groupes de travail en auditeur, ou comme intervenant. Avec, chaque fois, des indemnités à la clé.

La CFDT s’est donnée des exigences, de mixité, de ne pas placer de retraités dans les comités de suivi du PARE où ils seraient un peu déphasés, de remplacer au bout de dix ans ceux qui siègent dans une instance.

Entre gens raisonnables

« L’impression de perdre du temps ? Le syndicalisme ne récolte pas tout d’un clac de doigts. Il faut du temps. Comme dans le comité d’entreprise d’une boîte », dit Laurent Berger, autre permanent régional. « Il ne faudrait pas déserter parce que les réunions paraissent très formelles. Même si on n’a rien à dire, le fait d’être là évite les coups fourrés sur les volets sociaux de certaines mesures », ajoute Jean-Yves Tessier, qui siège au comité d’expansion économique.

Côté patronal, la CFDT est bien vue. Depuis la rupture entre FO et le Medef en 1995, la CFDT a pris la place au chaud. « Depuis 1995 et le plan Juppé qu’on a défendu ensemble, on aboutit plus facilement avec la CFDT, par leur participation active au paritarisme, note Évelyne Bocquenet, secrétaire générale du Medef. Il y a sept ans, je ne recevais jamais d’appel spontané de syndicalistes. Aujourd’hui, on a des échanges informels réguliers, avec la CFDT notamment. Gérer ensemble des structures habitue à fonctionner ensemble. Mais on ne voudrait pas que ça gêne les autres syndicats. On ne veut pas avoir raison tout seuls ». Les patrons voient d’un bon œil les syndicalistes en costume de gestionnaires : « Ça prouve qu’on peut réagir pareillement devant des obstacles, des modifications d’organisation interne ». Une sorte d’école des valeurs du management, en sorte.