La chasse au lopin est ouverte

Publié par lalettrealulu le

Prise de terre

Les élus de terrain conquis de la municipalité de Pornichet savent jouer de l’expropriation pour faire baisser les prix du mètre carré. Carrément.

Propriétaire d’un joli lopin en friche de 21 000 m² dans le quartier dit du « Baulois », M. et Mme Contival viennent de se faire exproprier avec une offre royale de moins de six euros du m2. On se dit que l’intérêt public doit être d’importance. Officiellement, il s’agit d’y creuser un bassin de rétention pour réduire les inondations dans la zone. Bizarrement, le plan fourni pour justifier cet achat à bas prix dessine surtout le bassin sur la parcelle voisine, avec une petite languette débordant sur le terrain de M. et Mme Contival. Étonnamment, le voisin n’est pas exproprié. Il faut dire que c’est un promoteur bien en cour et en jardin à Pornichet, un certain Jaconelli. En fait, le bassin de rétention invoqué est une pure invention : il ne figure sur aucune des études hydrauliques commandées par la municipalité à un bureau d’études agréé.

Pornichet joue à gagne terrain

À Pornichet, l’urbanisme les pieds dans l’eau n’a pas vue sur la mer, mais s’implante dans les terres, inondables et sévèrement inondées en 1999 et en 2000. La municipalité, qui n’est pas née de la dernière pluie, a donc commandé une étude au cabinet spécialisé Sogreah-Praud. Ces experts ont préconisé plusieurs variantes de création de bassins de rétention dans la zone de l’hippodrome et en amont. Le Conseil municipal a voté et adopté un plan de gestion des eaux pluviales intégrant des bassins, en référence directe à un mix de deux versions préconisées par l’étude. Jamais aucun bassin n’a été imaginé sur la parcelle Contival. Pour faire passer cette expropriation auprès du préfet et décrocher une déclaration d’utilité publique, la commune n’a pas hésité à causer de « nécessité » et de « caractère urgent » du creusement de ce bassin sorti de son chapeau. La préfecture n’y a vu que du bleu, et a tout signé, autorisé, estampillé.

Pour justifier cette autoritaire prise de terre, la commune de Pornichet sort un autre argument : l’extension de la zone commerciale. En fait de zone, il ne s’agit que d’un seul et unique magasin Intermarché un brin vétuste, qui jouxte la parcelle Contival. Et c’est là que la manœuvre s’éclaire. Juste à côté, la commune bâtit un nouveau centre culturel, dont les premiers travaux barbotent dans la boue d’une zone détrempée*. Il faut un parking, qui serait parfait sur une parcelle attenante : elle appartient à Intermarché. La municipalité a donc discrètement conclu un marché avec le propriétaire de la petite surface. Un deal à tiroir, dévoilé par l’acte notarié du 21 janvier 2002 par lequel Intermarché vend à la commune la zone à parking, sous condition impérative « que les délibérations du conseil municipal de Pornichet donnent autorisation de maîtriser la zone 2Nah du Baulois, si besoin est par voie d’expropriation ». Mazette : une vente foncière imposant qu’autour, on exproprie d’autres terrains à des tiers ! C’est original.

Mais on n’en abusera pas : un seul terrain est exproprié, celui des Contival ! Et voilà. Le terrain harponné par la mairie, pour un soi disant bassin anti-inondation parfaitement fictif, est en fait une prise de terre qu’Intermarché a obtenu de la commune pour s’agrandir, sous couvert d’une prétendue utilité publique. La ville a besoin d’espace pour son parking, Intermarché lui cède sous réserve d’obtenir de la commune la parcelle des Contival, mais à tarif défiant toute concurrence, plus de quatre fois moins cher que le prix concédé pour le parking du centre commercial, à trente secondes de là en caddie. Une partie du lopin va être refilée à un promoteur immobilier. Un secteur économique où les dirigeants municipaux sont comme des poissons dans l’eau. Ce qui enterre d’office le projet de résidence hôtelière que les Contival avaient et ont sur leur terrain.

On voit que Pornichet est vraiment gouvernée par des hommes d’action. Ou plutôt de transaction.

* Voir « Fric-flaque à Pornichet », Lulu n°38.