Hébert a‑t-il un passé dont on fait les tables rases ?
En « 50 ans de luttes syndicales », Alexandre Hébert a infiltré FO pour le compte des trotskystes, servi la soupe à Chirac et serré la louche à Le Pen. Quelle anarchie !
Fin d’un secret de Polichinelle. Alexandre Hébert, 78 ans, souverain pontife de l’anarcho-syndicalisme, tout puissant patron de FO en Loire-Atlantique depuis 1947 – qu’il lègue en 1993 à son fils Patrick, l’actuel numéro un de l’union départementale – n’était qu’une « taupe » lambertiste infiltrée au sommet du vieux syndicat.
Les « lambertistes » ? La fraction pure et dure du mouvement trotskyste. Selon l’enquête effectuée par le journaliste parisien Christophe Bourseiller*, ce « parti-secte » a changé dix fois de noms (OCI, AJS, MPPT, Parti des Travailleurs…) mais jamais de chef : Pierre Boussel, dit Pierre « Lambert », le plus discret et le plus retors des gourous d’extrême-gauche. Hébert le vieil anar cachait en réalité une âme de bolchevique : membre secret du bureau politique de l’OCI sous le pseudo d’«Ernest », il orchestrait les congrès de FO dont il a « fait » les dirigeants Bergeron puis Blondel.
Ce livre confirme ce que tout le monde chuchote dans le milieu politico-syndical nantais : l’U.D. FO vit sous l’emprise d’une dynastie trotskyste, Hébert fils étant aussi membre du comité central du Parti des Travailleurs.
Mais il lève un pan de voile supplémentaire sur Alexandre Hébert, « personnage hautement paradoxal » qui n’hésite pas, en attendant le grand soir, à participer en 83 à la chute d’Alain Chenard, le maire PS de Nantes, au profit du RPR Michel Chauty, ou à soutenir activement Chirac aux présidentielles de 95. Encore plus fort, l’enquête s’attarde sur l’ami de longue date et hagiographe attitré** d’Hébert, Joël Bonnemaison, présenté comme un « ami personnel de Jean-Marie Le Pen (…) Dans les années soixante-dix, il est responsable du Front national en Loire-Atlantique » dont « il intègre le comité central en 1976, ce qui ne l’empêche pas de militer en parallèle à Force ouvrière (…) Lors de son premier mariage, Joël Bonnemaison aurait bénéficié de deux témoins de poids : Alexandre Hébert… et Jean-Marie Le Pen. Hébert serait lui aussi devenu une relation du président du FN. Les deux hommes se connaîtraient et s’apprécieraient. Il est vrai que la prose du leader lambertiste est parfois émaillée d’inquiétants dérapages. Dans (…) L’Anarcho-syndicaliste du 28 mars 1996, il commente l’élection de Mgr Jean-Marie Lustiger à l’Académie française en usant plus de sept fois du nom juif du prélat : Aaron Lustiger, ainsi que le font couramment « National Hebdo » et la plupart des journaux proches du Front national ». Alexandre l’anar bras dessus bras dessous avec le chef d’extrême-droite ? On attend un vigoureux démenti.
*Cet étrange Monsieur Blondel, enquête sur le syndicat Force ouvrière, C. Bourseiller, éditions Bartillat (1997).
**Alexandre Hébert, 50 ans de luttes syndicales, J. Bonnemaison, éditions du Rocher (1996).