Sérénade en seule mineure
L’étagère à Lulu
Les versets du Coran sont pleins de surprises. Un exemple : « Le paradis est sous les pieds des mères. Dieu finit toujours par donner raison aux opprimés ». Mère aux pieds sur terre, Sérénade Chafik doit encore attendre qu’on lui donne raison et qu’on lui rende sa fille. Apparemment Dieu n’en est pas encore à finir.
Attendre : un mot dur quand le temps s’écoule inéluctable, quand chaque jour porte le danger de l’excision de sa fille. Une mutilation qui paraît d’un autre temps mais qui se pratique toujours, par respect de la coutume, malgré l’interdiction légale que les familles traditionnelles ignorent. Difficile de garder la sérénité du fil du Nil, eau qui se la coule douce, étrangère aux cours des années.
Née en Egypte, Française depuis 1995, séparée d’un Egyptien qui lui a donné une fille, Sérénade bataille contre les mots. Cet homme ne lui a pas donné une fille, il la lui a reprise. « Je sais qu’elle serait plus heureuse avec toi, je sais qu’elle s’ennuie avec ma vieille mère, lui a avoué le père, mais je ne veux pas qu’elle aille en France où elle ne sera plus vierge à treize ans ».
Laïla lui a été enlevée par la force, par la police tricolore et une décision de justice française aujourd’hui contredite par un autre jugement en France. Trop tard. Dans un livre sincère, émouvant, qui est bien plus qu’un témoignage, elle raconte d’abord sa famille, sa jeunesse et les allées et venues en Egypte, Russie et France, qui l’ont façonnée. Imprégnée de cette société égyptienne où tout vrai décalage féministe est improbable, elle fait parfaitement comprendre de l’intérieur la soumission des femmes à des pratiques d’un autre temps, à l’injure quand elles sont répudiées, à l’opprobre quand elles tentent de mener leur vie sans tutelle. Le récit n’a pas de happy end. Il n’est pas fini. On aurait aimé lire aussi le journal de Laïla, sa fille, son regard sur son histoire. Il faudra attendre. Pourvu que le paradis ne soit pas piétiné.
* Répudiation : femme et mère en Egypte : loin des splendeurs pharaoniques, la terrible réalité, Sérénade Chafik, Éd. Michel Lafon.